FLORENCE / ITALIE
Pour la première fois depuis quarante ans, une exposition est consacrée à l’artiste qui a contribué à façonner la Renaissance. Elle rassemble plus d’une centaine d’œuvres dont certaines ont été déplacées pour la première fois en six siècles.
Florence (Italie). « Donatello, la Renaissance », le titre de l’exposition organisée conjointement par le Palazzo Strozzi et le Musée du Bargello exprime d’abord le lien indissociable de l’artiste avec cette période qu’il a contribué à façonner. Sa longue existence (1386-1466) correspond d’ailleurs aux débuts et à l’épanouissement du formidable renouveau artistique lancé par sa cité natale, Florence. Mais la « renaissance » en question est également celle de la notoriété de Donatello ou plutôt celle de son œuvre qui a influencé aussi bien Léonard de Vinci, Raphaël, Masaccio que Michel-Ange.
Si le nom de Donatello est connu du grand public, sa foisonnante production est, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le domaine réservé des spécialistes. « Donatello évoque la Renaissance pour tout monde mais bien peu pourraient citer trois de ses chefs-d’œuvre, déplore Arturo Galansino, le directeur du Palazzo Strozzi. Cette exposition monographique est la première depuis 1887 et la dernière exposition d’envergure remonte à près de quarante ans. Notre but n’est pas de créer des événements autour d’un grand nom, mais de réaliser des expositions qui marquent des étapes importantes dans l’histoire de l’art avec une grande exigence scientifique. Il a fallu sept ans pour organiser celle sur Donatello. »
Le projet naît en effet en 2015, dès l’arrivée d’Andrea Galansino à la tête du Palazzo Strozzi. Son intention est de faire entrer l’art contemporain dans ce temple sacré de la Renaissance, sans oublier pour autant les grands maîtres de l’art ancien. Le Verrocchio, le maître de Léonard de Vinci, a ainsi été mis à l’honneur en 2019. Aujourd’hui, c’est au tour de Donatello, en tant que sculpteur en titre de la famille des Médicis.
La première particularité de cette exposition est sa dimension internationale et itinérante. Pas uniquement en raison des prêts qui ont permis de rassembler cent trente œuvres en provenance d’une soixantaine de musées et institutions culturelles telles que la National Gallery of Art de Washington, le Victoria and Albert Museum et la National Gallery de Londres, le Louvre, mais aussi les Staatliche Museen de Berlin ou encore le Kunsthistorisches Museum de Vienne. La collaboration la plus étroite a été nouée avec l’Allemagne et le Royaume-Uni qui organiseront respectivement deux expositions complémentaires et originales sur Donatello du 2 septembre 2022 au 8 janvier 2023 à la Gemäldegalerie de Berlin et au printemps prochain au Victoria and Albert Museum.
L’exposition florentine déroule un fil chrono-thématique pour retracer la biographie et le parcours artistique du plus grand sculpteur de son temps. Mais ce qui la rend unique est la possibilité d’observer pour la première fois des œuvres qui n’avaient jamais été réunies ensemble ou qui n’avaient jamais quitté leur lieu d’origine à Sienne, Padoue ou Ferrare. « C’est un miracle d’avoir pu les rassembler, se félicite Paola D’Agostino, directrice du Musée du Bargello. Nous avons profité de campagnes de restauration effectuées à Florence et nous en avons suscité d’autres “ad hoc”. Pour la première fois, le visiteur peut admirer “Le Festin d’Hérode”, bas-relief en bronze doré, réalisé pour le baptistère San Giovanni de Sienne, ou encore les portes en bronze de la vieille sacristie de la basilique San Lorenzo de Florence, hors de leur contexte. Il peut surtout constater l’immense variété de la production de Donatello. »
Diversité de matériaux surtout : crucifix en bois ou en bronze monumentaux, statues de marbre, bustes en terre cuite lui permettent d’exprimer son talent. Le visiteur est également saisi par la dimension psychologique de son travail. La finesse des formes souligne la profondeur des émotions qui s’y exprime allant de la douceur à la mélancolie, de la douleur la plus vive à la joie la plus intense.
La rigueur scientifique de l’exposition est garantie par son commissaire, l’un des plus grands experts de l’artiste, Francesco Caglioti, professeur d’histoire de l’art médiévale à l’École normale supérieure de Pise. C’est à lui que l’on doit les études les plus détaillées sur la section des terres cuites, l’une des grandes innovations de Donatello à l’époque, mais aussi de nouvelles attributions et des datations d’œuvres plus précises à la faveur de cette exposition. « Cet artiste est révolutionnaire aussi bien dans les techniques, les matériaux ou encore les formats à travers lesquels il s’exprime, explique Francesco Caglioti. Sa liberté artistique est quasi totale si on la met en perspective avec son contexte culturel et elle est encouragée par des commanditaires particulièrement éclairés (les Médicis avant tout) qui ont été capables de la comprendre et même de l’anticiper. Mais ce génie du niveau d’un Giotto ou d’un Michel-Ange n’occupe pas l’espace qu’il mérite dans notre imaginaire car la sculpture est plus difficile d’accès que la peinture. » L’exposition sur Donatello ne se contente ainsi pas de lui rendre hommage, elle rend justice à celui qui a façonné la Renaissance.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°590 du 27 mai 2022, avec le titre suivant : Donatello, maître sculpteur