PARIS
La photographe n’est pas seulement un œil hors pair dans le XXe siècle, elle est aussi celle par qui a évolué le regard que le monde porte sur la photographie.
Portraits de couples, d’enfants, de forains, de nudistes flasques, de travestis déglingués, de culturistes bandés, de handicapés mentaux et de schizophrènes, de concours de beautés, de gangs de jeunes, de locataires louches, de voyantes, de stars, etc., Diane Arbus disait vouloir « photographier tout le monde ». C’est ce qu’elle a fait au cours des quelque vingt-cinq ans d’une carrière brutalement brisée par son suicide. Née à New York en 1923, décédée en 1971, la photographe a développé une œuvre forte et impressionnante, initiant toutes sortes de démarches totalement singulières pour l’époque.
Alors même qu’elle n’a jamais eu d’expositions personnelles de son vivant, elle est la première à numéroter ses tirages, à en concevoir des portfolios ; elle lance l’idée d’organiser une exposition de photographies de presse ; elle découvre l’œuvre de Weegee et participe à sa promotion ; elle réalise tout un travail sur les rites, manières et coutumes de l’Amérique – « Ce sont nos symptômes et nos monuments », disait-elle.
Tâtonner pour trouver son chemin
Élève de Berenice Abbott, tôt mariée au photographe publicitaire Allan Arbus avec qui elle crée une agence de photographie de mode, elle doit tout à Lisette Model, qui lui a fait comprendre que « plus on est précis, plus on est général ». En 1960, Arbus publie son premier essai photographique dans Esquire puis, séparée de son mari, elle se lie à Marvin Israel, un temps directeur artistique de Harper’s Bazaar. Au fil du temps, Diane Arbus publie dans de très nombreuses revues et journaux : Glamour, le New York Times Magazine, le London Sunday Times Magazine, Time-Life Books, accompagnant parfois ses reportages de ses propres textes.
Le style d’apparence classique de ses images lui permet de faire éclater encore plus nettement la fascinante dimension fantastique du réel. D’un caractère trempé, mais d’une grande humilité, elle s’était donné pour ligne de conduite de considérer que l’on ne sait jamais rien et que l’« on tâtonne toujours pour trouver son chemin ». Diane Arbus avait une façon très personnelle de cadrer ses sujets, de les saisir dans le cru de leur quotidien, de les capter sous un angle de vue qui en faisait des objets quasi scientifiques sans pour autant les déshumaniser, bien au contraire. Une œuvre symptomatique et monumentale.
Avant d’être cinéaste, puis vidéaste ou plutôt « artiste cinéaste » comme vous dites, vous avez été photographe. Quel regard portez-vous sur le travail de Diane Arbus ?
De l’admiration, mais ses photographies font un peu mal. Il me semble que Diane Arbus regardait douloureusement ce qu’elle photographiait. Un désir d’être proche de ses modèles, des gens différents ou hors normes ou perdus…
De toutes les images qu’elle a réalisées, quelle est celle qui vous parle le plus ?
Une parmi d’autres : le petit garçon dans un jardin public qui a l’air tout à fait normal mais qui tient une grenade dans sa main. Arbus propose de l’énigmatique qui nous questionne.
Pensez-vous, si elle n’avait pas disparu si tôt, qu’elle aurait pu venir au cinéma ?
Je ne le pense pas. Elle était en étroite complicité et intensité avec l’instant immobile de la photographie.
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Diane Arbus, symptômes et monuments
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Abonnez-vous dès 1 €Informations pratiques. « Diane Arbus » du 18 octobre 2011 au 5 février 2012. Jeu de paume. Du mercredi au vendredi de 12 h à 19 h ; le mardi de 12 h à 21 h ; le samedi et dimanche de 10 h à 19 h. Tarifs : 8,5 et 5,5 €. www.jeudepaume.org
Audrey Cottin au Jeu de paume. Aux côtés de Diane Arbus, le Jeu de paume invite Audrey Cottin dans le cadre de sa programmation satellite. Au cœur de plusieurs collaborations, la jeune artiste propose une performance sous forme de « soulèvement d’objets ». Ces objets sont les œuvres de ses complices, artistes ou non, dont elle devient le lien dans son exposition « Audrey Cottin : Charlie et Sabrina, qui l’eût cru ? ». Du 18 octobre 2011 au 5 février 2012.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°640 du 1 novembre 2011, avec le titre suivant : Diane Arbus, symptômes et monuments