Sous l’appellation « Impressionnisme américain », la Fondation de l’Hermitage, à Lausanne, a réuni les travaux d’artistes du Nouveau Monde, datant de 1880 à 1915, tels Mary Cassatt, John Singer Sargent ou Theodore Robinson. Loin de l’audace d’un Monet, d’un Pissarro ou d’un Renoir, à mi-chemin entre modernité et traditionalisme, les œuvres réunies ne s’accordent pas toujours avec le thème de l’exposition.
LAUSANNE - Dans les années 1880, grâce à quelques marchands parisiens tels que Durand-Ruel, le public new-yorkais découvre les artistes de l’avant-garde française. Enthousiasmés par les travaux des impressionnistes, de jeunes peintres américains partent alors étudier à Paris ou à Giverny, où ils tirent les leçons de cette nouvelle expérience artistique. La Fondation de l’Hermitage, à Lausanne, s’est intéressée à cette création américaine, à la charnière des XIXe et XXe siècles, à travers ses principaux représentants : Mary Cassatt et John Singer Sargent, Theodore Robinson, Childe Hassam, mais aussi des figures moins connues comme William Merritt Chase, Robert Henri, Julian Alden Weir ou John Twachtman.
Un profond conservatisme
Malgré leurs efforts pour suivre les audaces picturales et colorées de Monet, Sisley ou Renoir, leurs œuvres témoignent d’un profond conservatisme et ne semblent nullement avoir renoncé aux conventions du dessin, de la forme et de la peinture en atelier. Si la Scène de neige de Twachtman – un paysage simplifié à l’extrême dans des camaïeux de blanc – ou la Femme et un enfant endormis dans une barque sous un saule (1887) de Sargent – un instant d’intimité saisi sur le vif, en plein air – évoquent les procédés impressionnistes, Le Bénédicité (1888) de Walter Gay – une vieille paysanne en prière dans un intérieur rustique, traitée de manière réaliste –, ou Le Palais des Doges depuis la lagune (1880) d’Otto Henry Bacher n’ont rien à voir avec les enseignements du mouvement français. La couleur n’est certes pas l’unique marque significative de l’esthétique des impressionnistes, mais les toiles obscures de Robert Henri (La Neige) nous en éloignent encore un peu plus. Par ailleurs, il ne suffit pas à John Leslie Breck ou Theodore Robinson de peindre à Giverny pour retrouver l’inspiration de Monet. Quant aux œuvres de Mary Cassatt, seule Américaine à avoir exposé avec les impressionnistes et seule, avec Sargent, à être reconnue comme telle, la fondation n’a pu obtenir le prêt que de cinq toiles, principalement des scènes d’amour maternel, comme Sara et sa mère admirant le bébé (1901), Le Bain (1910) ou Jeune Femme et son enfant (1914). En définitive, sous le terme d’“Impressionnisme américain”, la Fondation de l’Hermitage a rassemblé toute tentative picturale d’artistes du Nouveau Monde – voulue ou non – de modernité. “Dans ses nombreuses variantes, l’Impressionnisme ne semble guère plus qu’une vaste idéologie des arts picturaux, englobant un éventail et un vocabulaire par trop généraux, dont la réalité et l’expression artistiques dépendent globalement de la culture qui lui a donné naissance, remarque ainsi, dans le catalogue, le commissaire de l’exposition, William Hauptman. C’est précisément sous cet angle que l’on devrait envisager le phénomène de l’art américain durant les années impressionnistes.” Le fait que des musées, ou autres institutions, agrémentent leurs expositions de titres prometteurs pour attirer le plus grand nombre est loin d’être condamnable ; faut-il encore que le titre soit un minimum en accord avec le sujet et que ce dernier ait un sens.
- L’IMPRESSIONNISME AMÉRICAIN 1880-1915, jusqu’au 20 octobre, Fondation de l’Hermitage, 2 route du Signal, Lausanne, tél. 41 21 320 50 01. Catalogue, 143 p., 33,20 euros.
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Des Américains dans le sillage des impressionnistes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°152 du 28 juin 2002, avec le titre suivant : Des Américains dans le sillage des impressionnistes