PARIS
La Fondation Henri Cartier-Bresson signe une traversée sensible des archives du photographe, prenant le contre-pied de sa monographie récente au Grand Palais.
Paris. Raymond Depardon et Agnès Sire se connaissent depuis longtemps. « C’est Raymond qui m’a embauchée à Magnum en 1981, indique la directrice de la Fondation Cartier-Bresson. Il était en train de monter son film Reporters ». À une question du photographe portant sur ses compétences en publicité et marketing, la philosophe de formation avait répondu qu’elle n’y connaissait pas grand-chose. « Vous êtes embauchée ! », lui avait-il alors répliqué.
Une trentaine d’années plus tard, Agnès Sire s’est plongée dans les archives. Ses différents entretiens avec Depardon ont été réunis dans le catalogue édité par Xavier Barral. Le photographe lui a laissé carte blanche, « curieux, intéressé de ce qu’elle allait en dégager », explique-il. Il avait fait de même en 2014 avec Hervé Chandès, commissaire de sa monographie « Un moment si doux » au Grand Palais. La couleur, fil conducteur du propos, s’était alors accompagnée d’une nouvelle production de photographies sur des lieux dans le monde, jalons du parcours de l’ancien photoreporter. Les tirages « XXL » reprenaient les dimensions de ceux de « La France de Raymond Depardon » . L’œuvre du photographe basculait dans des codes de l’art contemporain. Aucune photographie de ces deux séries ne figure à la Fondation Henri Cartier-Bresson, non plus qu’aucun grand format, faute d’espace mais surtout par choix. Il s’agit avant tout de relever les axes du travail photographique depuis les premières images de « Ferme du Garret » en 1956.
Quatre thèmes sont mis en regard deux par deux à chaque étage de la Fondation. La terre natale fait ainsi face aux voyages et l’enfermement à la douleur, avec à chaque fois un mélange d’époques, de photographies couleur et en noir et blanc. La sélection resserrée renforce le dialogue, mais surtout elle construit un récit intime qui sied à l’univers de Raymond Depardon. En une quarantaine de petits formats, l’accrochage donne à revoir l’écriture si attachante par son intrication parfaite du vécu et de l’observation, de l’image et de l’écrit. Des textes du photographe s’intercalent d’ailleurs régulièrement entre les tirages, à même hauteur que les images. Tandis que dans la vitrine du second étage, l’édition originale de Notes (éd. Arfuyen, 1979) ramène au premier livre de Depardon où textes et images sont mis en dialogue – un parti pris considéré à l’époque par nombre de ses confrères comme une hérésie. Quelques photographies inédites extraites des archives rivalisent avec d’autres plus connues, tel ce cadrage en plongée noir et blanc sur un homme descendant les escaliers.
L’exposition redonne des repères dans une œuvre qui fait l’objet d’éditions ou de rééditions de livres à perdre pied. L’auteur est en effet prolixe en production d’images, en livres, en films. Un an à peine après le long-métrage Les Habitants sort le 29 novembre prochain en salles 12 Jours, sur le prolongement, ou non, de l’internement sous contrainte. Les préoccupations du photographe et du cinéaste se confondent. À la Fondation Henri Cartier-Bresson, l’exposition établit une généalogie de situations. La chronique sentimentale d’une vie.
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Depardon, retour aux fondamentaux
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°487 du 20 octobre 2017, avec le titre suivant : Depardon, retour aux fondamentaux