Aucun musée ne possède dans ses collections plus de trois œuvres de Johannes Vermeer. La production même de l’artiste est peu nombreuse, avec seulement trente-cinq tableaux connus. Vermeer travaillait pour un cercle très restreint, loin des pressions du marché, et la plupart de ses toiles étaient destinées à une clientèle privée. L’exposition proposée au musée du Prado est donc un événement, d’autant qu’aucune œuvre du peintre n’est conservée en Espagne. Elle fait suite à celle organisée à la National Gallery of Art de Washington en 1996 et à « Vermeer et l’École de Delft », présentée à New York et à Londres en 2001 (L’Œil n° 528). Les peintures du maître de Delft sont ici confrontées à celles d’autres artistes de son temps, mettant en évidence les relations artistiques qu’il entretenait avec ses contemporains, parmi lesquels Gerard ter Borch, Gabriel Metsu et Pieter de Hooch. Metsu, comme Nicolaes Maes, est un artiste particulièrement représentatif de cette période, partagé entre peinture d’histoire, portraits et scènes de genre. De Hooch est proche de Vermeer par sa manière de placer ses personnages devant une table, en les éclairant par une fenêtre latérale, à gauche du tableau. Leurs premières œuvres sont très marquées de l’empreinte du caravagisme. Ils ont aussi en commun une parfaite maîtrise de l’espace. On ne sait pas lequel a le plus influencé l’autre, ils ont sans doute peint dans un climat d’émulation réciproque. L’exposition offre donc plusieurs regards sur un même sujet – celui des intérieurs hollandais au XVIIe siècle –, à travers une quarantaine de peintures prêtées par les plus grands musées du monde entier, dont nombre de chefs-d’œuvre.
Reconnu tardivement, au XIXe siècle, comme le maître absolu de la peinture hollandaise, Vermeer reste un personnage mystérieux, dont on connaît assez peu de choses. Son œuvre ne se livre pas facilement et certaines de ses peintures ont suscité de nombreuses interprétations, en particulier L’Atelier du peintre, répertorié dans l’un des premiers inventaires sous le titre L’Art de la peinture. Cette toile, qui apparaît comme le point culminant de la peinture hollandaise, serait, sous son apparence de peinture de genre, une allégorie. Le modèle féminin, à l’arrière-plan, qui tient un livre dans une main et une trompette dans l’autre, est Clio la muse de l’Histoire. Vermeer voudrait alors montrer que la peinture d’histoire est encore « le grand genre », au moment même où elle décline au profit de l’art du portrait et du paysage. Dans ses scènes d’intérieur, les personnages de Vermeer sont rarement au premier plan, l’expression des visages est lointaine et les personnages gardent leurs secrets. Rêveurs et mélancoliques, ils sont principalement féminins et s’adonnent à des activités courtoises et mondaines. La lumière joue un rôle fondamental dans ces compositions silencieuses où tout est peint avec un raffinement et une minutie exceptionnels : le rendu des tissus et des drapés, l’éclat des bijoux, les jeux d’ombres sur les natures mortes, les noirs profonds et les harmonies lumineuses dominées par le jaune et le bleu.
MADRID, museo nacional del Prado, Villanueva Building, Paseo del Prado, tél. 34 91 3302 800, www.museoprado.mcu.es, 18 février-18 mai.
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Dans l’intimité des intérieurs hollandais
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°545 du 1 mars 2003, avec le titre suivant : Dans l’intimité des intérieurs hollandais