On savait Antoine de Galbert un peu franc-tireur. Pour preuve la programmation de la Maison rouge, qui oscille depuis six ans entre présentations de collections atypiques et promotion des arts populaires, de la bande dessinée à l’art brut.
L’exposition en cours n’en est pas moins déroutante. Trois ans après « Mutatis mutandis », qui dévoilait le versant le plus abrasif de sa collection d’art contemporain, Antoine de Galbert choisit de montrer au public ce qu’il nomme sa « collection buissonnière ». Soit un ensemble de quatre cents coiffes ethniques glanées depuis quinze ans dans les galeries de Bruxelles ou Paris et (plus rarement) au cours de voyages.
L’homme confesse qu’il entre dans ce choix un brin de provocation : « Ce qu’il y a d’amusant dans cette exposition, dit-il, c’est que je n’y suis pas attendu. » Et pour cause : objet peu coutumier des espaces d’art, la coiffe échappe aux grilles de lecture qui guident d’ordinaire le public. Sa singularité dérobe tout appui aux amateurs d’art primitif comme aux férus de mode ou d’art contemporain. Elle déroute tout autant les spéculateurs qui seront bien en peine d’évaluer ces objets rares sur le marché. Bref, elle offre un point de départ idoine pour qui veut, comme Antoine de Galbert, mettre en question les frontières disciplinaires et redéfinir les contours de l’art.
La scénographie contribue un peu plus à brouiller les pistes : pour mieux récuser tout lien avec l’ethnologie et les expositions d’art primitif, les coiffes sont mises en regard d’une poignée d’œuvres contemporaines (de Malaval à Théo Mercier) et classées par affinités d’usages et de matériaux plutôt que par aires géographiques. La progression thématique retenue glisse du cheveu (notre premier couvre-chef !) à l’animal, puis à la chasse, puis au sacré, puis à la femme, etc., révélant ce qu’ont de commun les coiffes du Cameroun et de Papouasie ou d’Amérique : « En faisant fi des frontières ethnographiques, on retrouve entre les objets exposés des affinités électives », explique Bérénice Geoffroy-Schneiter [collaboratrice de L’œil], commissaire de l’exposition aux côtés d’Antoine de Galbert.
Il faut dire que partout dans le monde, on assigne à la coiffe une même fonction : présenter celui qui la porte. Comme le rappelle Bérénice Geoffroy-Schneiter, « cet objet très codifié indique notre statut, notre âge, notre position dans le cosmos… C’est fou ce qu’on peut faire dire à ce tout petit objet ! »
« Voyage dans ma tête », la Maison rouge, fondation Antoine de Galbert, 10, bd de la Bastille, Paris XIIe, www.lamaisonrouge.org, jusqu’au 26 septembre 2010.
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Dans le chapeau d’Antoine de Galbert
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°626 du 1 juillet 2010, avec le titre suivant : Dans le chapeau d’Antoine de Galbert