Deuxième volet d’une exposition qui a commencé au musée des Beaux-Arts de Québec à l’automne dernier, « Emporte-moi/Sweep Me Off My Feet » prend donc ses quartiers d’été au Mac/Val de Vitry-sur-Seine.
À l’occasion de ce jumelage transatlantique inédit, un impeccable catalogue en forme de carnet moleskine a été publié, allusion au recueil de confidences et à la fonction de journal intime de cet objet mythique, talisman historique de l’écrivain Hemingway.
L’exposition, dédiée aux grands sentiments – l’amour, la jalousie, la fidélité, l’adultère, l’union, la dispute, et encore une multitude de situations –, frappe par l’académisme de sa présentation. Photographies, vidéos, sculptures et autres objets sont sagement disposés autour de modules blancs. Sage, trop sage. Désincarnée alors même qu’il est question de sentiments, de transports amoureux, de tempêtes. Bien sûr, tout cela est offert au spectateur comme autant d’écrans de projection pour l’intime. Mais les sentiments n’auraient-ils pas mérité mise en scène plus audacieuse ?
Tout repose donc sur les œuvres, et de ce côté-là, rien à redire, elles sont judicieusement choisies, percutantes même, que l’on soit du côté de l’amour parfait ou d’une relation passionnelle. On retrouve avec plaisir une Sophie Calle espionne : « Je suivais des inconnus dans la rue. Pour le plaisir de les suivre. Un jour, j’ai suivi un homme que j’ai perdu quelques minutes plus tard. Le soir même, par hasard, il me fut présenté lors d’un vernissage. Il me parla d’un projet imminent de voyage à Venise. J’ai décidé de le suivre ».
Un peu plus loin, Bas Jan Ader pleure sans que l’on comprenne pourquoi tant d’affliction poignante. Puis sur un écran placé en hauteur, comme dans une vidéosurveillance, l’œuvre haletante de Smith et Stewart, Mouth to Mouth, 1995. La femme donne de l’air à l’homme dans une baignoire pleine dans un petit jeu aux conséquences mortelles. Lorsque l’amour signifie la confiance totale, remettre son sort entre les mains de l’autre. On reste suspendu au souffle vital.
Il y a beaucoup de couples dans « Emporte-moi », des perruches inséparables, des hommes à l’unisson, des horloges au diapason. Leurs dialogues sont touchants, on aurait juste aimé qu’ils opèrent dans un univers un peu moins aride et conventionnel. Parce qu’après tout, les sentiments sont rares au musée.
« Emporte-moi/Sweep Me Off My Feet », Mac/Val, place de la Libération, Vitry-sur-Seine (94), tél. 01 43 91 64 20, www.macval.fr, jusqu’au 19 septembre 2010.
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Sage, trop sage emportement
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°626 du 1 juillet 2010, avec le titre suivant : Sage, trop sage emportement