À sa mort, le 19 mars 1984 à Tijuana à l’âge de 56 ans, Garry Winogrand a laissé six mille cinq cents pellicules non développées sur les vingt-six mille utilisées durant toute sa vie.
De son vivant, le célèbre photographe de rue n’a jamais pris le soin de faire des livres ou des expositions, à la différence des deux mentors que furent pour lui Walker Evans et Robert Frank. Il n’a pas davantage porté d’attention aux dates ou aux légendes de ses photographies, ni été enclin aux confidences ou analyses sur sa production vertigineuse. Mitrailler toute la journée fut son mode de vie, du Bronx, où il naquit, à Los Angeles.
Pendant trois années, Leo Rubinfien, qui fit partie dans les années 1970 de son cercle d’amis photographes, a plongé dans ces archives largement inexplorées, détenues en grande partie par le Center for Creative Photography de Tucson (Arizona). Le travail qu’il a effectué sur elles aboutit aujourd’hui au vaste panorama du Jeu de paume, conçu avec la complicité de Erin O’Toole, conservatrice au MoMA de San Francisco, et de Sarah Greenough, conservatrice à la National Gallery of Art de Washington. Trente-huit ans après la première rétrospective organisée par John Szarkowski au Museum of Modern Art de New York, la vision qu’ils proposent revisite l’œuvre, indissociable de l’histoire personnelle de Winogrand, dans un flot d’images collant à son parcours, à son mental. Soit deux cent cinquante images précisément articulées, de la période new-yorkaise à celle de ses voyages dans d’autres États précédant son installation à Los Angeles.
La moitié des clichés sont inédits, chaque cartel précisant ceux qui ont été sélectionnés sur la planche contact par Winogrand mais non tirés, et ceux non sélectionnés ou jamais vus par le photographe, y compris durant la période new-yorkaise, considérée comme la meilleure. Cette liberté de choix, Leo Rubinfien la justifie par le fait que pour Winogrand l’important « ne fut pas de voir ses photographies, mais d’en faire dans une liberté et une humilité absolues, sans aucun discours sur la condition humaine ou la photographie », simplement porté par ce qu’il voyait, ressentait, en regardant une femme élégante rire à gorge déployée ou une autre, relevée par un homme dans une rue de New York, ou encore allongée dans un caniveau de Santa Monica sans que personne ne vienne à son secours.
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Dans la peau de Winogrand
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°674 du 1 décembre 2014, avec le titre suivant : Dans la peau de Winogrand