BARCELONE / ESPAGNE
Au Macba, l’exposition de l’artiste catalan est conçue tel un écosystème immersif.
Barcelone. Pénétrer dans une exposition de l’artiste Daniel Steegmann Mangrané (né à Barcelone en 1977) revient à se lancer dans une expérience sensorielle multiple. C’est ce que propose le Musée d’art contemporain de Barcelone (Macba), où tout un étage est réservé à la première grande rétrospective du Catalan en Espagne. Installations, aquarelles, vidéos et photographies réalisées depuis la fin des années 1990 interrogent les rapports entre l’homme et la nature. Profondément nourri de son expatriation au Brésil où il a vécu vingt ans, son univers traduit avec poésie l’influence de Lygia Clark (1920-1988), particulièrement visible dans l’exposition. L’artiste néo-concrète brésilienne ne manquait ainsi pas de souligner en son temps « l’importance des sensations en art, souvent délaissées au profit de l’esthétisme », indique Hiuwai Chu, responsable des expositions et commissaire au Macba.
Le parcours commence par le laboratoire de recherche de Steegmann Mangrané, où des éléments organiques, des modèles réduits et des expériences plastiques s’entrecroisent dans l’installation Table avec objets (1998-en cours), lieu d’enquête que l’artiste fait évoluer à chaque exposition. Lichtzwang (1998-en cours), une série d’aquarelles sur papier quadrillé disposée sur un long mur incurvé, demande, elle, une déambulation progressive de la part du visiteur afin de pouvoir apprécier à leur juste mesure les infimes variations de la composition. Une entrée en la matière qui, pour sembler abstraite, est essentielle, car « le reste de ses créations naît de ces deux œuvres », précise Hiuwai Chu.
La grande salle absorbe l’attention des visiteurs. Possibilités paysagères (2016-2023) les incite, à partir de l’idée de camouflage, à se fondre entièrement dans l’exposition-installation. Cette œuvre topographique convoque les sens dans un enchaînement de micro-expériences suscitées par des sculptures, installations ou vidéos. « La sensation est le point d’entrée dans ses œuvres », insiste le commissaire. L’artiste parvient à stimuler la vue mais aussi l’odorat et le goût dans Orange Oranges (2001), un pavillon métallique encadrant des panneaux tendus d’un filtre photographique orange. Les visiteurs sont invités à y presser et y boire un jus d’orange, dont l’odeur est omniprésente, puis à observer les effets physiologiques de l’espace sur la vision. L’ouïe n’est pas en reste lors de la contemplation du film 16 mm qui projette des vues de la jungle dans une salle plongée dans le noir, accompagnée des bruits paisibles de la nature.
L’installation la plus captivante est certainement Une feuille transparente à la place de la bouche (2017-2018), soit un grand pavillon de verre contenant un petit écosystème où vivent des phasmes, lesquels se confondent avec les branches des plantes et exhortent le visiteur à les chercher patiemment. « L’artiste veut porter un regard différent sur le monde, en rupture avec l’anthropologie persistante et la pensée dualiste, au profit d’une pensée holistique », explique Hiuwai Chu. Une reconnexion à la nature qui vaut le détour.
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Daniel Steegmann Mangrané réveille tous les sens
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°627 du 16 février 2024, avec le titre suivant : Daniel Steegmann Mangrané réveille tous les sens