Ce sont des polaroïds aux couleurs éthérées : natures mortes, vues de littoral, fleurs, atelier et œuvres de l’artiste, quelques portraits aussi. Ces photographies ont été prises par le peintre et sculpteur Cy Twombly. Auraient-elles un intérêt si elles n’avaient pas été prises par ce grand artiste ? Peut-être pas, mais en regard de l’œuvre peint et sculpté, elles prennent une autre dimension. En tout cas, depuis la mort de l’artiste survenue le 5 juillet dernier, on les regardera différemment, presque comme un testament.
Elles ont été prises au Black Mountain College en 1951, alors que Twombly fréquente les bancs de cette institution qui attira l’intelligentsia artistique, de John Cage à Robert Rauschenberg en passant par Merce Cunningham. Puis ce sera la grande région de Rome où l’Américain vit depuis 1957, il en saisit les aspérités et les plaisirs. Pour celui qui n’a pas donné d’interview depuis cinquante ans, ces images offrent donc une bribe d’intimité rare, complétée par la sélection d’une trentaine de photographes. Il y a ceux que Twombly regarde – Vuillard, Degas Bonnard, eux aussi peintres, dont les photographies ont été découvertes tardivement – et ceux qui le regardent – Diane Arbus, Sally Mann, Louise Lawler ou Cindy Sherman.
Réalisée avec Éric Mézil, directeur de la Fondation, la sélection des photographies de Ruscha, Lartigue ou encore Man Ray, presque exclusivement en noir et blanc, tranche avec la modestie technologique et chromatique au charme suranné des polaroïds. On ne sait pas comment s’est déroulé le choix, ce qui est du domaine du peintre et de l’hôte, de l’admiration et des affinités. Mais l’accrochage, lui, s’est fait sans le peintre.
L’ensemble fonctionne comme un portrait en creux et cette exposition « Le Temps retrouvé », plutôt que d’emprunter son titre à l’ouvrage de Proust, aurait pu prendre comme référence le fameux questionnaire de l’écrivain pour percer la personnalité si mystérieuse de Twombly. Il faudra donc jouer aux devinettes et, pour cela, terminer cette enquête un peu plus loin, à Arles, à la chapelle du Méjan où Psychose d’Hitchcock étiré sur vingt-quatre heures et une série de portraits de stars aux yeux brûlés par Douglas Gordon se retrouvent confrontés à une nouvelle série du peintre Miquel Barceló. Ce sont des portraits réalisés à l’eau de Javel sur toile de lin noir, des visages d’albinos africains, des hommes et des femmes menacés dans bien des pays parce qu’on les prend pour des fantômes. C’est avec ces « indices » que s’achève cet étrange récit d’un Cy Twombly photographe cultivant plus que jamais l’ombre et la lumière.
« Le temps retrouvé. Cy Twombly photographe et artistes invités »
Fondation Lambert, 5, rue Violette, Avignon (13), www.collectionlambert.fr et chapelle du Méjan, Arles (13), www.lemejan.com
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Cy Twombly - Ses photographies comme un testament
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°638 du 1 septembre 2011, avec le titre suivant : Cy Twombly - Ses photographies comme un testament