On pouvait voir l’an dernier à la Fiac sur le stand de la Galerie belge Zeno X (qui représente, entre autres, Luc Tuymans, Michaël Borremans et Marlene Dumas) une petite nature morte dans les tons de gris et de bleu pâle évoquant, tant par sa palette que par son sujet, la peinture d’un Giorgio Morandi ou d’un maître flamand.
Cette toile était pourtant celle d’un peintre français contemporain, Cristof Yvoré (1967–2013), à peu près inconnu dans l’Hexagone, auquel le Frac Auvergne, associé au Frac Paca et au Kunstforum de Darmstadt, consacre ces jours-ci une exposition itinérante ainsi qu’un livre. Le fonds régional d’art contemporain de Marseille est à ce jour la seule collection publique française à posséder des œuvres de cet artiste. « En 2010, le comité technique d’achat du Frac effectuait une visite de son atelier, à la Friche de la Belle de Mai, se souvient Pascal Neveux, son directeur. Cristof Yvoré était bien identifié en tant que peintre, son nom circulait, mais il n’était pas du tout en lien avec les institutions. Nous étions subjugués. Et nous avons acquis trois de ses œuvres. »
Pourquoi cet artiste a-t-il été, à l’époque, ignoré les musées et les centres d’art ? Sans doute parce que la peinture, longtemps, n’a pas été à la mode, et que Cristof Yvoré en convoque tous les lieux communs, de ses motifs, d’une banalité confondante – « pots, lapin, fenêtres, fleurs », titre, en clin d’œil, l’exposition –, jusqu’à ses petits formats, qui semblent faits pour les cimaises d’on ne sait quel salon bourgeois. « On peut en faire au premier degré une lecture très académique, totalement erronée », estime Pascal Neveux. À cela s’ajoute le fait que, soutenu par une galerie étrangère qui le montre sur de nombreuses foires et le promeut auprès de ses collectionneurs, Cristof Yvoré n’est pas en demande. En 1994, Frank Demaegd avait en effet remarqué ses tableaux dans une exposition de groupe à Anvers. Le fondateur de la galerie Zeno X n’a dès lors pas cessé de défendre son travail, passé inaperçu en France. Discret, acharné – ses toiles sont pleines de repentirs –, Yvoré poursuit sa voie. Celle-ci comporte bien sûr une dimension expérimentale à laquelle l’exposition entend rendre justice. « J’ai voulu qu’elle montre la vitalité de cette peinture, son inventivité, insiste Pascal Neveux. Et surtout, qu’elle ne soit pas limitée à un contexte local. » Moins que d’un hommage, c’est bien d’une redécouverte qu’il s’agit, aussi bien pour les amateurs éclairés que pour nombre de professionnels de passage à Marseille et à Clermont-Ferrand, assure le directeur du Frac Paca.
Peut-on imaginer que des achats de collections publiques suivront ? C’est ce qu’espère son galeriste, prudent cependant. « Nous montrons désormais son travail de façon très sélective sur les foires, parce qu’il ne reste pas tellement d’œuvres. » D’autant que cette peinture plaît, partout dans le monde. Cristof Yvoré a produit environ 350 toiles et 70 dessins. « On compte une centaine d’œuvres dans des collections belges, 50 aux États-Unis, 25 en Suisse, 30 en France, une quinzaine en Allemagne, 10 en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, une trentaine dans le reste du monde, dont la moitié en Asie », précise Frank Demaegd. Alors que c’est sa première exposition monographique en France, l’artiste a en effet bénéficié, quatre ans après sa mort, d’une rétrospective au M Woods, un musée privé ouvert à Pékin en 2014.
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Cristof Yvoré
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°728 du 1 novembre 2019, avec le titre suivant : Cristof Yvoré