SAINT-ÉTIENNE
La collection « Design » du Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne se déploie, en ce second semestre, à la Cité du design de cette même ville, à travers une exposition coproduite par ces deux institutions et intitulée « L’ornement est un crime ».
Sur une multitude de podiums blancs de différentes hauteurs rehaussés d’une touche de couleur différente selon les sections, le parcours réunit une centaine de pièces et met en lumière l’interdit qui frappe l’ornement dans la production artistique, depuis l’orée du XXe siècle jusqu’à la fin des années 1960. Considéré comme inutile, bourgeois et primitif, l’ornement n’est autre, pour les tenants de la modernité, qu’« une survivance du passé », un « archaïsme barbare » qu’il faut éradiquer. En témoigne le fameux ouvrage Ornement et crime publié, en 1908, par l’architecte autrichien Adolf Loos et qui a, évidemment, inspiré le titre de cette présentation. Du mobilier à l’ustensile du quotidien, le visiteur peut observer la manière dont les créateurs « déshabillent » au fur et à mesure l’objet, au profit d’« un art pur, honnête et vrai » – dixit Le Corbusier. Entre rationalisation des formes (Josef Hoffmann), invention du standard (Michael Thonet), réductions modernistes (Marcel Breuer), économie de guerre ou « formes utiles » (à partir des années 1950), tout est passé en revue. Y compris le débat sur la couleur, comme l’évoque la chaise Rouge & Bleue de Gerrit Rietveld mise en regard avec une bibliothèque bariolée signée Charlotte Perriand. Le chapitre « Poésie organique », lui, montre aussi que simplicité rime parfois avec… volupté. Comme interroge, sur une cimaise, le designer Charles Eames : « Qui a dit que le plaisir n’était pas fonctionnel ? »
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°716 du 1 octobre 2018, avec le titre suivant : Crimes et ornements