LONDRES / ROYAUME-UNI
« La Grèce conquise conquit son farouche vainqueur et porta les arts au sein du Latium rustique.
» Ces mots du poète latin Horace résonnent étrangement lorsqu’on sort de l’exposition « Oceania » à la Royal Academy of Arts, qui célèbre son 250e anniversaire en même temps que celui de la découverte des îles océaniennes par le capitaine britannique James Cook. Comme si nous, Européens qui avons voulu apporter notre culture et notre religion à ces peuples « sauvages », nous nous retrouvions au final dans cette exposition absolument conquis par la puissance de leur création. Des objets collectés à l’occasion du premier voyage du capitaine Cook aux pièces contemporaines à travers lesquelles les artistes nous interpellent, l’histoire de notre rencontre avec les peuples de ce continent dispersé sur l’océan Pacifique se rejoue ici et en nous. À peine entrés dans cette exposition aux œuvres exceptionnelles prêtées par de grandes institutions, dont certaines montrées pour la première fois, une vague bleue, œuvre textile monumentale d’un collectif de quatre femmes artistes maories, Mata Aho Collective, se dresse devant nous, tandis que sur un écran, une jeune poétesse des îles Marshall, Kathy Jetnil-Kijiner, clame son angoisse des changements climatiques pour un peuple dont l’identité est indissociable de ses terres, menacées. Nous voici nous-mêmes submergés. Et qu’on ne s’étonne pas si des personnes viennent ici prier et déposer des offrandes au pied de certaines œuvres : la Royal Academy avertit les visiteurs de cette possibilité. La veille du vernissage, des Maoris étaient d’ailleurs venus les bénir, au terme d’une procession dansée dans les rues de Londres. Comme une réponse aux évangélisateurs de jadis, à travers cette exposition qui sera présentée au Musée du Quai Branly en 2019, l’Océanie apporte à nos sociétés sécularisées et emportées par une croissance destructrice un souffle vital perdu. Ce souffle naît des lèvres d’une tête de dieu à la peau de plumes, aux dents de chien et aux yeux de coquillages dont le regard puissant pénètre le nôtre, comme il se devine entre les plumes délicates d’une coiffe grandiose de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Tantôt puissant, tantôt brise légère, il vient nous pénétrer… et nous conquérir.
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Conquis par l’Océanie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°717 du 1 novembre 2018, avec le titre suivant : Conquis par l’Océanie