PARIS
Le photographe a séjourné par deux fois en Chine, en 1948-1949 et en 1958. De ces deux séjours, excepté quelques photos célèbres, telle Gold Rush,à Shanghai, montrant une foule compressée devant une banque pendant les derniers jours du Kuomintang, on ne connaissait ni ne savait grand-chose.
Si ce n’est que le premier s’inscrivait peu de temps après la création de l’agence Magnum et ses photographies des funérailles de Gandhi, et que le séjour initial de deux semaines s’était transformé en voyage de dix mois. Dix mois au cours desquels il assista à la chute du gouvernement du Kuomintang et à l’avènement de la République populaire de Chine. Son retour en Chine, dix ans après, rendait compte des changements. C’est d’ailleurs du livre D’une Chine à l’autre, publié en 1954 par Robert Delpire et préfacé par Jean-Paul Sartre, qu’est né le projet de Michel Frizot et Ying-lung Su de plonger dans ces doubles archives. L’ampleur du fonds, son exploration et son étude scientifique aboutissent aujourd’hui à une exposition inédite plus qu’enthousiasmante et à un ouvrage somme. En suivant Cartier-Bresson dans ce périple en Chine, on découvre sa vision des événements au travers de scènes de rue, l’extrême dénuement d’un peuple et l’arrivée des soldats de l’armée populaire de libération avec ses premiers slogans et portraits de Mao. On retrouve la densité du regard, son attrait pour les associations de sens si chères aux surréalistes. Du premier voyage émanent également la présence et le rôle de Ratna, la première épouse de Cartier-Bresson. Dix ans après, le basculement de la Chine qu’il montre témoigne de la transformation radicale du pays. En creux, on perçoit les conditions de travail du photographe désormais encadré et contraint, et au final peu critique.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°729 du 1 décembre 2019, avec le titre suivant : Cartier-Bresson en Chine