Au Musée Guimet, une immersion à Chang’an, la capitale cosmopolite des Tang, révèle une époque d’échanges commerciaux intenses avec l’étranger.
Paris. Que peut connaître le grand public français de la dynastie chinoise des Tang (618-907) ? Rien, constate Yannick Lintz, présidente du Musée Guimet, hormis les statuettes de joueuses de polo importées au XIXe siècle en Europe. Depuis quelques années, les Chinois, en revanche, ont redécouvert cet âge d’or révélé par d’importantes fouilles archéologiques. Popularisée par un parc à thème et des webséries très fidèles à la réalité historique, cette période de relative paix et de grande prospérité fait rêver les visiteurs de Xi’an, la ville moderne remplaçant l’ancienne capitale, Chang’an. Muni d’un smartphone, on peut y parcourir la cité médiévale en réalité augmentée.
Pour leur scénographie, les commissaires Arnaud Bertrand et Huei-Chung Tsao ont en effet adopté une approche immersive : les visiteurs sont accueillis au son des tambours qui signalaient l’ouverture et la fermeture des portes de Chang’an, et une salle permet de visionner des extraits des séries « The Longest Day in Chang’an » (2019) et « The Litchi Road » (2024). À la fin d’un parcours qui aborde différents thèmes de la vie quotidienne sous les Tang, un espace consacré aux routes maritimes s’ouvre sur une mer bleue, en prolongement du propos de l’exposition.
Car, si la scénographie prend pour cadre la plus grande ville de la planète à l’époque (selon les estimations, elle abritait plus d’1 million d’habitants), c’est bien son cosmopolitisme et, plus largement, la connexion du royaume avec le reste du monde, qui est le sujet. Au centre de l’empire, Chang’an était le carrefour des routes commerciales reliant Byzance, Sogdiane ou l’Inde, et était peuplée de commerçants étrangers et de membres de l’administration étatique originaires des pays satellites. À cette époque, le polo est pratiqué par les hommes et femmes de la haute société : il trouve, comme le vin, son origine en Perse. Le bouddhisme s’installe avec l’appui de la dynastie impériale, et le nestorianisme (une forme du christianisme) est présent dans la capitale et tout le long de la Route de la soie. La mode et l’art du maquillage venus des « régions de l’Ouest » font un tabac, tout comme les spectacles de danses exotiques. Parallèlement, au-delà des confins de la Chine, les peuples étrangers adoptent la soie, le thé et la céramique sancai (trois couleurs).
L'exposition débutant en novembre 2024, année de la célébration du 60e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine (*), rien n’a été négligé pour la glorification d’un passé ouvert sur le monde. Pour appuyer leur démonstration, les commissaires ont reçu de Chine plus de 200 objets dont beaucoup ont été exhumés récemment. Spectaculaire mais aussi érudite, l’exposition est généreuse en cartels et accompagnée d’un copieux catalogue. De la statue grandeur nature d’un Prince étranger (806) provenant de la tombe de l’empereur Shunzong au petit Oreiller à motif de feuilles et de perles sur fond bleu en soie ayant appartenu à un inconnu mort à Turfan, une oasis ouïgoure sur la Route de la soie, elle tient sa promesse : nous faire voyager dans l’âge d’or de la Chine médiévale.
(*) Contrairement à ce qui a été publié dans le JdA n°647, le 60e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine a eu lieu en 2024 et non en 2025 comme pouvait le laisser supposer l'article.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°647 du 17 janvier 2025, avec le titre suivant : Bienvenue dans la ville-monde des Tang