Connu pour ses lignes en acier, le travail du plasticien n’a pas toujours eu la reconnaissance française qu’il mérite. On apprécie donc plus volontiers les trois expositions hexagonales qui lui rendent actuellement grâce à Versailles, à Toulon et à Thor, en Provence.
De l’autoroute du Soleil, entre Vidauban et Le Muy, on peut apercevoir les trois croix d’un étrange Golgotha perché sur un rocher, en plein cœur du massif des Maures, sur le territoire de la commune de Roquebrune-sur-Argens. L’œuvre est signée Bernar Venet. Emblématique de sa démarche, elle ne la résume pas pour autant, mais sa force de signe, tout à la fois colossale et minimale, en dit long de l’évidence d’un style qu’a su imposer l’artiste. Si, à son seul nom, surgit immédiatement à l’esprit soit la figure élancée d’un arc monumental, soit celle enroulée d’une ligne indéterminée, c’est que Venet a fait siens un type de formes, un matériau et une couleur.
Radicalité mathématique
Apparu au début des années 1960, l’art de Bernar Venet s’est toutefois donné à voir sous les aspects les plus divers et notamment au travers de toute une série de travaux bruts de matière, comme ses grands cartons noirs de goudron. Le choix qu’il a fait d’aller très tôt s’installer à New York l’a conduit à se frotter aux avant-gardes les plus fondamentales du moment, qu’elles soient performatives, conceptuelles ou minimales. L’artiste y a décliné toute une production singulière, intelligente des préoccupations de l’époque, en quête de résolutions plastiques innovantes.
Fort d’un caractère indépendant, Venet n’a jamais souscrit à aucune chapelle, ni à aucun mouvement, de sorte à préserver sa liberté, s’octroyant même le luxe dans les années 1970 de cesser momentanément toute activité pour pousser davantage sa réflexion.
Son intérêt pour la puissance objective des modèles mathématiques l’a entraîné au fil du temps à réaliser des œuvres radicales, graphiques mais aussi sculptées, mettant en place la structure de base de ses fameuses lignes indéterminées. Dans les années 2000, Venet déclinera par ailleurs ces modèles tant en surface de tableaux aux formats les plus variés – tondos et polyptyques compris – qu’en grandes peintures murales dont les motifs graphiques de plus en plus complexes se détachent sur fond de vives plages monochromes.
Distance et résistance
Contrairement à une idée préconçue, l’art de Venet se présente dans une grande diversité plastique et dans un éclectisme revendiqué. Aussi, bien plus que de l’idée de style, il procède d’une posture – on pourrait même dire d’une ligne de conduite –, et son œuvre est davantage associée au concept qu’à la forme. Si celle-ci est multiple, celui-là est unique. On peut ainsi affirmer que ce qui caractérise l’art de Bernar Venet depuis ses débuts relève d’une dualité : distance et résistance.
Ces deux termes sont pleinement fondateurs de toutes les séries d’œuvres qu’il a réalisées, et leur récurrence signale l’exigence de sa posture. Si le premier en dit long de sa volonté d’objectivation par rapport à la notion d’œuvre d’art, le second la renforce dans l’importance qu’il accorde à sa nature physique. Quelle qu’elle soit, une œuvre de Venet offre toujours une densité à laquelle le regard est invité à se confronter. Elle instruit un puissant rapport d’altérité auquel il ne peut échapper et l’oblige à prendre en compte la dimension conceptuelle qui la fonde.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Bernar Venet - Sculpteur hors ligne
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°638 du 1 septembre 2011, avec le titre suivant : Bernar Venet - Sculpteur hors ligne