Art ancien

Angers

Aux grands hommes, la ville d’Angers reconnaissante

Sculptures des XVIIIe et XIXe siècles

Par Rossella Froissard · Le Journal des Arts

Le 1 janvier 1995 - 626 mots

ANGERS

À l’occasion d’un inventaire détaillé des œuvres, Angers rend hommage à la sculpture de 1780 à 1830 en exposant quelques belles statues à sujet mythologique et une galerie de bustes. Alanguissements ou recherche subtile d’équilibre entre individualisation et héroïsation : les facettes d’une période complexe de l’art français, aboutissant à la célébration élégiaque de La jeune Grecque de David d’Angers, sont richement représentées par les sculptures angevines.

ANGERS - Tournant de l’histoire de la sculpture moderne, la période allant du XVIIIe au XIXe siècle reste cependant peu connue et rarement appréciée du grand public. Angers, l’une des villes les plus riches en collections de sculpture de cette période, a contribué très tôt à la remise en valeur de son patrimoine par l’installation spectaculaire des œuvres de David d’Angers (1788-1856) dans les ruines aménagées de l’abbaye de Toussaint.

Si la générosité de cet artiste a permis de constituer rapidement, et de son vivant même, l’un des plus beaux musées de sculpture existant en France, la Ville, de son côté, avait déjà réuni un premier noyau de collection de bustes, statues et bas-reliefs grâce à des dépôts de l’État et à d’autres donations, dont la plus importante est due à Turpin de Crissé.

Angers et son musée continuent, avec l’exposition de cet hiver, cet effort de mise en valeur d’une partie des collections, dont la richesse pourra séduire un public bien plus large que quelques connaisseurs avertis de l’histoire de l’art. La note prédominante, le buste-portrait, fournit du reste un excellent sujet d’étude des mutations subtiles qui, au-delà des règles dictées par le genre, se manifestent au gré des changements du goût dans le traitement des physionomies et des poses.

Point sensible du passage d’un réalisme ancré dans la tradition française à un idéalisme répondant mieux aux exigences d’héroïsation post-révolutionnaire, les portraits exposés à Angers illustrent, par de nombreux chefs-d’œuvre, la gamme entière des nuances entre les deux pôles.

Le pétillant Camille Falconet
Le buste du pétillant et vieux docteur Camille Falconet par Etienne-Maurice Falconet, unanimement apprécié, même par Diderot, habituellement avare d’éloges pour cet artiste, le Voltaire décharné de Jean-Antoine Houdon, l’originale Étude de vieillard par Philippe-Laurent Roland, sont les meilleurs exemples d’une évolution qui aboutira aux effigies du Général Bonaparte par Antonio Canova et du Napoléon premier Consul par Antoine-Denis Chaudet.

De son côté, La Douleur, la belle tête d’expression de David d’Angers, évoque l’enseignement académique donné par l’École des Beaux-Arts, tout en annonçant la sculpture romantique.

Il est conseillé alors de revenir vingt ans en arrière, à l’impassible Minerve de Pierre Petitot : contrepoint utile à qui voudrait noyer la sculpture d’un demi-siècle dans le tout, morne et indistinct, de l’imitation de l’Antiquité.

Bien que David d’Angers soit présent dans l’exposition par quelques chefs-d’œuvre d’avant 1830 (les portraits de Paganini, le plâtre du Monument à Bonchamps, La jeune Grecque), une large place est faite aux sculpteurs qui, sans atteindre une aussi grande renommée, jouèrent un rôle important dans la vie artistique de l’époque.

Classé comme romantique
En témoigne, outre la qualité des œuvres, l’estime que le même David d’Angers leur manifesta. Il possédait des œuvres de François-Nicolas Delaistre, Jean-Antoine Houdon, Philippe-Laurent Roland, Antoine-Denis Chaudet, toutes exposées. Cet intérêt d’un sculpteur, classé comme romantique, pour des artistes néoclassiques, invite à nuancer les relations entre des courants traditionnellement considérés comme diamétralement opposés.

Les plâtres de concours et les envois de Rome exposés montrent que l’attachement à l’antique prôné par l’École n’a pas empêché l’éclosion du génie romantique chez David d’Angers. Un lien subtil s’est créé à travers la veine alexandrine, héritage canovien et prélude aux langueurs romantiques, comme en témoignent en particulier les très beaux Narcisse (Jean-Pierre Cortot) et Hyacinthe renversé (Antoine Etex).

"Sculptures françaises de 1780 à 1830"

Angers, Musée des beaux-arts, jusqu’au 5 mars 1995.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°10 du 1 janvier 1995, avec le titre suivant : Aux grands hommes, la ville d’Angers reconnaissante

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