VERSAILLES
Versailles accueille, après Washington et Los Angeles, la première grande exposition consacrée au sculpteur Houdon depuis le centenaire de sa mort en 1928.
VERSAILLES - Pièce maîtresse des collections de la Comédie Française, le Voltaire assis (1778) a exceptionnellement quitté le « foyer du public » pour les salles du château de Versailles, où se tient actuellement la rétrospective Jean-Antoine Houdon (1741-1828). Représenté sans perruque, les cheveux ceints du ruban de l’immortalité, et drapé dans une ample robe de chambre digne des toges consulaires, le « patriarche de Ferney » a toute la noblesse des philosophes antiques. Il en a aussi l’expression, son visage saisissant de réalisme rappelant certaines figures de vieillards sculptées à l’époque hellénistique. Le visage est émacié, les lèvres minces sont crispées dans un imperceptible sourire, et les yeux, grâce à un artifice consistant à détacher en relief une petite goutte de matière sur la pupille profondément creusée, pétillants de vie et d’esprit. Louée par ses contemporains, et notamment par Frédéric-Melchior Grimm qui s’enthousiasma pour « les formes du visage dans la plus exacte vérité » ou les « yeux qui ont tant de vie », cette statue grandeur nature donne, dès l’entrée de l’exposition, toute la mesure du talent du portraitiste Houdon. Élève de Michel-Ange Slodtz, le sculpteur représenta la plupart des grandes figures du Siècle des lumières. Autour du Voltaire assis prennent d’ailleurs place les bustes de Rousseau, Buffon, Diderot ou d’Alembert. Formant une véritable « galerie des encyclopédistes », ces représentations illustrent chez Houdon le désir de simplicité à l’antique, le souci aigu de ressemblance et la recherche du mouvement dans le traitement de la chevelure ou le choix de l’attitude. Cette alliance d’un sobre classicisme et d’un naturalisme plus débridé plonge ses racines dans le séjour italien de l’artiste. Prix de Rome en 1761, Houdon met en effet ses années italiennes à profit pour copier les antiques mais aussi étudier l’anatomie du corps humain, comme en témoigne son célèbre Écorché (1767), dont l’exposition présente côte à côte les versions en plâtre et en bronze. Peu avare de confrontations, le parcours permet également de voir pour la première fois réunis le bronze longiligne et aérien de Diane (1790), conservé au Louvre, et celui d’Apollon (1788), d’ordinaire à la Fondation Calouste Gulbenkian, à Lisbonne. Ou de comparer les figures en bronze et en marbre de L’Hiver (dit aussi La Frileuse, 1783). Malgré certaines incohérences – les portraits de Madame Adélaïde (1777), fille de Louis XV, ou de la cantatrice Sophie Arnould (1775) sont bizarrement présentés dans la section consacrée aux « Cours étrangères » –, l’exposition rend justice à la diversité des techniques et des genres (monuments, statues, bustes, portraits, figures allégoriques) abordés par le sculpteur. Elle offre en outre un large aperçu des personnalités immortalisées par l’artiste, modèles illustres ou simples familiers. Non loin des bustes officiels de Louis XVI, Henri de Prusse, La Fayette, Napoléon Ier ou Joséphine, les portraits des enfants Brongniart (1777) ou de Madame Houdon (1786), dont la physionomie rieuse semble annoncer Carpeaux, sont des chefs-d’œuvre de naturel et de fraîcheur. Le sculpteur se montre particulièrement inspiré dans le rendu des visages d’enfants, un exercice difficile dont il s’acquitte avec grâce et sans mièvrerie. Le marbre de sa fille Claudine (vers 1793), fillette de 4 ans dont il est parvenu à restituer, avec une grande tendresse du modelé, toute la candeur enfantine, en est un exemple éclatant.
Jusqu’au 31 mai, château de Versailles, galerie de pierre basse, entrée cour de Marbre, 78000 Versailles, tél. 01 30 83 77 88, tlj sauf lundi (ouverture exceptionnelle le 31 mai), 11h30-18h30, www.chateauversailles.fr. Catalogue éditions RMN, 400 p., 300 ill., 59 euros.
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Houdon, des Lumières à l’Empire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°191 du 16 avril 2004, avec le titre suivant : Houdon, des Lumières à l’Empire