La chronique de Bénédicte Ramade

Ai Weiwei : trop et pas grand-chose à la fois

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 22 mars 2012 - 337 mots

Ce fut le grand « buzz » médiatique du mois de février, Ai Weiwei était à l’affiche du Jeu de paume [exposition « Ai Weiwei, entrelacs », jusqu’au 29 avril 2012]. LE dissident chinois, personnalité de l’année, expose alors même qu’il est sous le coup d’une interdiction de sortie du territoire, dans l’attente de certaines décisions hautement politiques. La couverture journalistique [dont L’œil, lire le portrait de l’artiste dans le n° 644] est alors largement focalisée sur le phénomène Ai Weiwei activiste, relatant les ulcères qu’il donne aux hautes sphères en disant haut et fort sur Internet ce qu’il pense du système communiste actuel.

Mais au fait, elle est comment cette exposition devenue prétexte à des papiers de société ? Tristement plate, d’un classicisme qui n’a rien de révolutionnaire et frise même le réactionnaire tant ses photos éliment des schémas éculés du genre « engagé » : le matraquage d’images non circonstanciées, le tabou de la bonne image… L’accumulation ne satisfait pas. Des quantités d’images sont accrochées, défilent sur des écrans, ressassent ce qui apparaît surtout comme un besoin narcissique de l’artiste d’enregistrer le monde de peur qu’il ne lui échappe.

Au final, on ne garde pas grand-chose en mémoire. Trop de photos de New York prises entre 1983 et 1993 – quelque dix mille clichés noir et blanc et annotés – et autant sur son blog, ses images prises avec son téléphone portable. Elles sont loin d’être saisissantes, d’être simplement à la hauteur des sculptures et des installations du Chinois. Des anecdotes visuelles, tout au plus, des petits faits-divers qui n’ont pas plus de substance, à l’exception de la série sur le tremblement de terre au Sichuan. Seulement, la dramatisation que leur confère le noir et blanc s’avère superfétatoire. Ai Weiwei ne sait pas où s’arrêter. C’est son problème. Quant à son engagement, si la série Études de perspective (des majeurs tendus aux quatre coins du globe entre 1995 et 2005) en était l’emblème, ce serait bien creux et conventionnel. Mieux vaut alors ne pas se faire d’image du travail d’Ai Weiwei à partir de celles-ci.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°645 du 1 avril 2012, avec le titre suivant : Ai Weiwei : trop et pas grand-chose à la fois

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