Veronica Ryan remporte le prix Turner 2022

Veronica Ryan a remporté l’édition 2022 du prix Turner, l'une des récompenses les plus prestigieuses au monde dans le domaine des arts visuels. Elle avait été sélectionnée pour deux œuvres, la sculpture Windrush, dévoilée à Londres l'année dernière, et son exposition « Along a Spectrum » à Bristol. C’est à ce jour l'artiste la plus âgée (66 ans) à remporter le prix.

Windrush rend hommage aux immigrants arrivés au Royaume-Uni en provenance des Caraïbes entre la fin des années 1940 et les années 1970, notamment sur le paquebot Empire Windrush en 1948, devenu un symbole de l’histoire de l’immigration du pays, donnant son nom à cette « génération Windrush » dont fait partie l’artiste, née sur l'île de Montserrat (Antilles britanniques) en 1956 et arrivée enfant au Royaume-Uni. 

Ce groupe de sculptures en bronze et en marbre représentant des fruits caraïbéens – corossol, fruit à pain, chérimole - a été dévoilé l'année dernière près d’une église du quartier londonien d’Hackney, l'un des plus pauvres de Londres, dans lequel l’artiste a grandi. Il est inspiré des visites d'enfance de Veronica Ryan au marché exotique de Ridley Road, où l’on peut trouver des produits en provenance du monde entier. Les sculptures ont été commandées par le conseil de Hackney en 2020 « comme un symbole permanent d'honneur, de respect et d'engagement envers les générations Windrush, leur héritage et leur contribution à la vie de Hackney ». 

En acceptant son prix doté de 25 000 £ (29 000 €) lors d'une cérémonie à Liverpool, Veronica Ryan a rendu hommage à sa famille et aux personnes qui ont « veillé » sur elle tout au long de sa carrière, notamment quand elle « [ramassait] les ordures pendant un certain nombre d'années » afin de gagner sa vie. Une éducation dans une famille économe qui lui a donné selon elle la capacité de travailler avec les matériaux qu'elle avait sous la main lors des périodes difficiles.

Le jury a récompensé « la manière personnelle et poétique dont [l’artiste] élargit le langage de la sculpture » et son évocation des thèmes « du déplacement, de la guérison et de la perte ». Il a également loué « la sensualité et la tactilité exquises » de l'œuvre Along a Spectrum, qui explore l'écologie, l'histoire et l'impact psychologique de la récente pandémie.

Alex Farquharson, directeur de la Tate Britain et coprésident du jury, a salué la « poétique subtile » de l’œuvre de Ryan, et son « traitement insaisissable des thèmes de la survie, des soins, […] la valorisation et le souvenir des choses ». Il a également évoqué l'importance du retour du prix à Liverpool, qui accueille l’évènement pour la première fois depuis 2007. « C'est vraiment important pour la ville. Liverpool a traversé de nombreux défis sociaux et économiques ces dernières années. Faire venir le prix Turner ici est une marque d'optimisme et de régénération ».

Les quatre artistes sélectionnés sont issus de différentes générations et utilisent divers médias, comme la photographie, la sculpture ou la performance, mais sont liés par un certain nombre de thématiques communes, notamment l'identité, la migration et les réflexions sur le corps ou la nature. Ils ont chacun reçu 10 000 livres sterling (11 500 €) 

Les membres du jury de 2022 étaient Irene Aristizábal, responsable de la conservation et des pratiques publiques au Baltic Centre for Contemporary Art de Gateshead (Newcastle), Christine Eyene, maître de conférences en art contemporain à la John Moores University de Liverpool, Robert Leckie, directeur du centre d’art contemporain Spike Island à Bristol, et Anthony Spira, directeur de la MK Gallery à Milton Keynes. Le jury était coprésidé par Alex Farquharson et Helen Legg, directrice de la Tate Liverpool.

L'année dernière, le prix Turner avait été décerné à l'Array Collective, un groupe de 11 artistes d'Irlande du Nord. Le prix Turner 2020 n’avait pas été attribué en raison de la pandémie.