Architecture

Inauguration

Une jumelle pour le Frac à Dunkerque

Par Sophie Trelcat · Le Journal des Arts

Le 2 janvier 2014 - 772 mots

DUNKERQUE

Voulant préserver le bâtiment industriel initialement destiné au Frac Nord-Pas-de-Calais, Lacaton et Vassal ont construit un édifice miroir adjacent.

DUNKERQUE - «  Le matériel de base pour répondre au concours était un programme de 5  000  m2 à organiser dans un ancien atelier de préfabrication, l’AP2. Pendant la visite du site, lorsque nous a été ouverte cette halle, nous avons été émus par ce lieu magnifique  : pourquoi le remplir  ?  » Tels sont les propos tenus par l’architecte Anne Lacaton afin d’exposer clairement l’idée ayant donné naissance à l’édifice abritant le Fonds régional d’art contemporain (Frac) de la région Nord-Pas-de-Calais.

Dépassant les demandes du concours quitte à être éliminé du circuit, les architectes ont dessiné un bâtiment jumeau collé à l’AP2 et qui en emprunte le gabarit sans être pour autant un clone. Comprenant six niveaux, cette construction double contient les réserves, les espaces d’expositions et pédagogiques, l’administration, un cinéma et un belvédère tandis que la halle originelle est laissée vide. Rééquipée d’un pont roulant en partie haute, cette dernière pourra accueillir toute forme d’installation artistique ainsi que des événements publics indépendants. «  Notre travail d’architecte est de regarder avant de faire  », explique encore Anne Lacaton. Il faut reconnaître que l’atelier de préfabrication n°  2 est exceptionnel. Baptisé «  La cathédrale  », ses mensurations de rêve (75  m de long, 25  m de large et une hauteur sous faîtage de 30  m) sont magnifiées par le vide. On y entre par des portes métalliques démesurées, et pour qui a connu le bâtiment en activité, il y flotte le souvenir des gigantesques pièces de bateaux qui y étaient façonnées dans un halo d’étincelles.

Hommage à l’histoire des chantiers navals
Ultime vestige de l’industrie navale dunkerquoise, dont les chantiers ont fermé en  1988, l’AP2 faisait cavalier seul face à la mer du Nord et sur un môle ayant subi une table rase sans pitié. «  Il restait néanmoins un paysage magnifique  ». Ce contexte dévoile une nouvelle facette du savoir faire de Lacaton & Vassal ayant fait preuve dans ce nouveau quartier dit du «  Grand large  » d’une sérieuse maîtrise de la dimension territoriale. En ajoutant un volume jumeau à la halle, le Frac s’ancre fortement dans l’immensité du site et se trouve armé pour affronter un environnement fait d’éléments forts  : aplats gris de mer, sable et ciel du Nord, digue de béton, souvent percutés par des vents froids, été comme hiver. Cette idée du double est un des projets manifestes des architectes, expérimenté depuis le début de leur carrière, à diverses échelles et programmes  : proposer davantage de surface, tant pour le confort des usagers que pour l’invention de nouvelles pratiques, sont autant de performances réalisées sans augmenter les coûts. Dans la cité de Jean Bart, en lieu et place des 1  500  m2 d’exposition requis, ils offrent au final 1  800  m2 et sur les 13  millions de budget disponible, 12  millions ont été dépensés.

Au-delà des bénéfices en termes de superficie et d’économie, le projet est adapté aux exigences d’un Frac nécessitant par exemple d’importants lieux de stockage facilement accessibles. De plus, il offre des espaces d’expositions hors du commun rappelant la configuration de la Tate Modern à Londres. La halle jumelle est faite d’une enveloppe extérieure translucide en polycarbonate et coussins de plastique transparent remplis d’air pour la partie haute, l’ensemble étant porté par une ossature métallique. À l’intérieur de ce volume, une structure industrielle de béton bon marché et clôturée par du verre contient les fonctions. Entre ces deux éléments bâtis sont logées les circulations, lesquelles offrent des vues sur le vide de l’AP2 d’un côté ou sur la mer de l’autre. À l’occasion, ces espaces largement dimensionnées (de 2 à 5 mètres) seront des surfaces supplémentaires d’exposition. Formés auprès de l’architecte bordelais Jacques Hondelatte et récompensés par le prix de l’Équerre d’argent en 2011, Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal forment un duo d’exception dans le paysage architectural français. Ils sont parmi les rares agences à développer une pensée théorique qui leur est propre et qui est l’objet d’un vrai débat. L’équipement dunkerquois est chargé de promesses à condition qu’à l’avenir celui-ci soit exploité par un projet culturel fort. Pour le moment ce bâtiment singulier assure l’ambition d’une existence territoriale pour le Fonds régional d’aide au conseil pour les entreprises touristiques dans le cadre des dernières moutures de ces institutions régionales, celle du Nord-Pas-de-Calais est la plus réussie.

Fiche technique

Maître d’ouvrage : Communauté urbaine de Dunkerque
Superficie : 11 129 m2 SHON, dont 9 157 m2 de construction neuve et 1 972 m2 pour la halle existante.
Concours : 2009
Livraison : novembre 2013

Légende photo

Cabinet d’architectes Lacaton et Vassal, Bâtiment du FRAC Nord-Pas de Calais. © Photo : J.-F. Leca.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°404 du 3 janvier 2014, avec le titre suivant : Une jumelle pour le Frac à Dunkerque

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