Teresa Margolles investit le quatrième socle de Trafalgar Square

Le ballet de statues autour du socle vide de Trafalgar continue avec sa traditionnelle commande publique temporaire. C’est la sculpture de l’artiste mexicaine Teresa Margolles qui est la 15e à avoir été choisie par Fourth Plinth, un groupe d’artistes, de journalistes et de conservateurs, pour orner le socle nord-ouest de la célèbre place londonienne.

L’artiste a imaginé 850 Improntas (850 empreintes), un cube monumental de plus de 3 tonnes composé de 850 visages en plâtre de personnes transgenres et non binaires du Mexique et du Royaume-Uni. Les moulages sont disposés avec la partie concave à l’extérieur sur un tzompantli, un support en bois mésoaméricain pour les crânes humains des victimes de sacrifices ou de prisonniers de guerre. Chacun des masques qui compose l’œuvre porte un nom et des traces de rouge à lèvres ou de faux cils de la personne qui a été moulée. L’œuvre a été réalisée par l’artiste et par deux personnes transgenres dont les visages font partie des moulages.

La sculpture de 2,5 mètres de haut dénonce les meurtres des personnes transgenres. Teresa Margolles a voulu rendre hommage à la communauté transgenre de son pays particulièrement exposée à la violence et à son amie Karla La Borrada, une chanteuse transgenre et ancienne travailleuse du sexe assassinée il y a neuf ans. « Nous rendons hommage à elle et à toutes les autres personnes qui ont été tuées par haine. Mais surtout à ceux qui continuent de vivre, aux nouvelles générations qui défendront le pouvoir de choisir librement de vivre dans la dignité », explique Teresa Margolles pour The Guardian.

La sculpture va être exposée à la pluie, ce qui risque d’endommager les visages en plâtre très fragiles. Ce qui peut sembler paradoxal pour une sculpture en extérieur ne semble pas gêner l’artiste qui revendique un « anti-monument » : « ainsi, chaque moulage réagira aux éléments », explique Teresa Margolles.

Ekow Eshun, le président du groupe de commande du quatrième socle, a salué le geste artistique en déclarant que c’était une des œuvres d’art « les plus actuelles » et les plus « nuancées » depuis le début du projet en 1999.

L’artiste, native de Mexico, a obtenu un diplôme de technicienne médico-légale. Son studio est rattaché à une morgue de Mexico où elle travaille notamment avec des fluides provenant de cadavres humains, de cadavres de chevaux et de vêtements de victimes de meurtres. Son œuvre est intimement liée aux conséquences de la violence dans son pays : « j’ai grandi dans un endroit très, très violent. Chaque famille avait des amis ou des proches qui avaient été assassinés », explique-t-elle. En 2009 pour la Biennale de Venise, Teresa Margolles avait tamponné le sol d’un palais vénitien avec le sang dilué des victimes de la guerre des gangs.

L’artiste avait remporté la commande du quatrième socle en 2021, aux côtés d'une sculpture de Samson Kambalu , qui avait réalisé L’Antilope, une sculpture en bronze sur l'héritage du colonialisme en Afrique.

Le quatrième socle de Trafalgar Square est l'un des quatre piédestaux situés dans les coins de Trafalgar Square. Le socle de l'angle Nord-Ouest, a la particularité de ne porter aucune statue. Depuis 1999, la municipalité effectue chaque année une commande publique à un artiste contemporain qui change tous les 18 mois. La première commande pour le socle était Ecce Homo, une figure humaine à la tête cerclée de barbelés dans une résine imitant le marbre, réalisé par Mark Wallinger en 1999. Les trois quarts des précédentes commandes du quatrième socle sont stockées et une seule œuvre est actuellement exposée, rapporte The Guardian.

Les prochaines œuvres à prendre place sur le socle vide sont Lady in Blue de l’artiste new-yorkaise Tschabalala Self et Untitled de la sculptrice romano-américaine Andra Ursuta en 2026 et 2028.