Architecture

Rudy Ricciotti - Main… d’œuvres

Par Christian Simenc · L'ŒIL

Le 20 mai 2013 - 557 mots

61 ans, l’homme n’a toujours pas sa langue dans sa poche. Fervent adepte des jeux de mots, il adore « escagasser », comme on dit dans le Sud. Souvent à juste titre, selon lui, notamment la bureaucratie sur les multiples réglementations qui « verrouillent » l’architecture.

Grand Prix national d’architecture en 2006, Rudy Ricciotti achève, coup sur coup, deux projets muséaux majeurs en France. D’abord, l’an passé, le nouveau département des Arts de l’Islam, logé dans la cour Visconti du Musée du Louvre, à Paris, dont la toiture faite de mailles de métal couleur or anodisé (« Ce jeu des plis et des replis de la couverture devient alors un drapé soyeux aux reflets micacés et facétieux », dixit Ricciotti) a marqué les esprits. Ensuite, avec l’ouverture, ce mois-ci, du J4, pierre angulaire du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), à Marseille. L’architecte est aujourd’hui au pinacle.

Figure maniériste
Ancré à Bandol, Rudy Ricciotti a fait ses gammes en érigeant une série de maisons sur la Côte d’Azur, des villas tout en longueur et mono-orientées, en quête de cet « horizon métaphysique de la Méditerranée ». Mais c’est en 1994 que ce trublion de la maîtrise d’œuvre frappe un grand coup dans le PAF – paysage architectural français – en édifiant le Stadium de Vitrolles, jadis fameuse salle de spectacle et omnisports de cinq mille places aujourd’hui à l’abandon, un monolithe noir émergeant dans le site tel celui de 2001 : l’Odyssée de l’espace. La radicalité absolue : « Au Stadium, cette idée de carré noir sur fond rouge, cette coulée de bauxite, pour moi, était une expérience suprématiste », dit Ricciotti.

Suivront une multitude de réalisations, dont la Philharmonie Nikolaïsaal, à Potsdam, en Allemagne, le Centre chorégraphique national d’Aix-en-Provence, pour le ballet d’Angelin Preljocaj, ou, plus récemment, le musée Jean-Cocteau, à Menton, et le nouveau stade Jean-Bouin, à Paris. Des projets dans lesquels s’exprime une puissante « physicalité ». Car Ricciotti, militant acharné d’une « culture constructive », vénère l’acte de « fabriquer » : « Ce qui me fascine, c’est faire des bâtiments dans lesquels il y a un gros coefficient de main-d’œuvre. » Cet « explorateur » de la matière n’hésite d’ailleurs pas à pousser toujours plus loin les limites de la technique : « Être dans la morale du matériau et refuser le moralisme, être dans la mémoire du matériau et refuser la leçon, être dans la violence du matériau, mais en révéler la tendresse. »

Aux antipodes du minimalisme, son architecture flirte, au contraire, avec un « maniérisme » non dissimulé : « La figure maniériste, aujourd’hui, est la figure la plus périlleuse qui puisse exister, la vraie figure de danger », assène-t-il à l’envi. À preuve, encore, avec ce complexe opéra et centre culturel Les Arts, qu’il réalise actuellement à Gstaad, en Suisse, dont la livraison est prévue pour 2015. « J’aime le dessin, la narration, l’onirisme, souligne Ricciotti. Ces trois notions peuvent être considérées comme un possible architectural. » Dont acte !

Repères

1952
Né le 22 août, à Alger (Algérie).

1974
École d’ingénieurs de Genève.

1980
École d’architecture de Marseille.

1999
Centre chorégraphique national, Pavillon Noir, à Aix-en-Provence.

2004
Département des Arts de l’Islam, Musée du Louvre, inauguré en 2012.

2007
Musée Jean Cocteau, à Menton, inauguré en 2011.

2013
Ouverture du MuCEM, à Marseille.

« Ricciotti architecte »

jusqu’au 8 septembre. Cité de l’architecture et du patrimoine, Palais de Chaillot, Paris-16e. Tarifs : 5 et 3 euros. www.citechaillot.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°658 du 1 juin 2013, avec le titre suivant : Rudy Ricciotti - Main… d’œuvres

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