Politique

Dix ans après le séisme, la colère d'Ai Weiwei face aux « mensonges »  de Pékin

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 11 mai 2018 - 616 mots

PÉKIN / CHINE

Dix ans après le séisme meurtrier dans la province chinoise du Sichuan, l'artiste dissident Ai Weiwei est toujours aussi « furieux »  face aux « mensonges et la corruption » que cette catastrophe a mis en évidence.

Bâtiment détruit lors du séisme en 2008, au Sichuan
Bâtiment détruit lors du séisme en 2008, au Sichuan

« Nous n'aurons jamais de réponse claire. Depuis que le régime communiste a été mis en place, la vérité n'a jamais été révélée sur les grands événements historiques », assure l'artiste d'avant-garde, dans un entretien en chinois accordé à l'AFP dans son studio à Berlin où il vit désormais.

Cet artiste polyvalent de 60 ans dénonce tout particulièrement les silences de Pékin après le séisme de magnitude 7,9 qui a ravagé le 12 mai 2008 la province du Sichuan (sud-ouest), faisant 87.000 morts et disparus. Parmi les morts, des milliers d'enfants sous les décombres de quelque 7.000 écoles qui se sont effondrées. Or, pour de nombreux parents, si ces bâtiments se sont écroulés comme des châteaux de cartes, c'est avant tout par la faute de dirigeants corrompus qui les ont laissé bâtir en fermant les yeux sur la qualité de la construction.

« Rien n'a changé »

« Bien sûr que je suis toujours furieux. Rien n'a changé dans ce domaine. Qu'il s'agisse des droits et de la dignité du peuple, des responsabilités, des mensonges et de la corruption du gouvernement », critique-t-il. Il a fallu attendre mai 2009 -un an donc- pour que Pékin publie un bilan officiel de 5.335 enfants tués, un chiffre inférieur à des évaluations données auparavant par des médias chinois. Par ailleurs, les résultats d'une enquête sur l'état des écoles concernées n'ont jamais été publiés.

Ai Weiwei
Ai Weiwei
Photo Alfred Weidinger

Peu après le tremblement de terre, Ai Weiwei, comme d'autres volontaires, s'est rendu au Sichuan pour participer aux secours, puis a commencé à enquêter sur ces « bâtiments en tofu », avant de se décider à dénoncer la manière dont « le régime, qui s'est autoproclamé parti du peuple, se préoccupe de la souffrance du peuple ».

L'artiste, à la fois peintre, sculpteur et plasticien, a payé cher le prix de cet engagement. Il a été frappé par la police qui l'a empêché de témoigner lors du procès d'un autre militant, Tan Zuoren, qui avait aussi enquêté sur les écoles mal construites. Ai Weiwei, emprisonné 81 jours en 2011, a aussi été privé de passeport pendant quatre ans. 

Chercher la vérité

En 2010, il a subi une intervention chirurgicale en Allemagne en raison d'un caillot de sang à la tête, conséquence, selon lui, de coups portés par les policiers. « Tout ceci était lié à notre exigence de vérité, notre exigence d'enquête sur la liste des écoliers morts, notre insistance pour que le gouvernement nous dise comment les bâtiments avaient été construits », poursuit-il. « Le gouvernement a le devoir de fournir des informations », juge l'artiste, mais « si l'on pose ces questions et qu'on se fait frapper et même enfermer, comment ne pas être choqué? Plus que choqué. Choqué est trop faible. Furieux ».

Malgré la vague de colère et de protestations qui a suivi le tremblement de terre, Ai Weiwei assure que les autorités chinoises ne changeront jamais d'approche. 

Si une nouvelle catastrophe se produisait, « le gouvernement n'agirait pas différemment », selon lui. « Il ne peut pas changer » car « dissimuler la vérité est une condition sine qua non de la survie d'un régime autoritaire », selon lui.
Ai Weiwei, qui s'est consacré depuis 2015 aux réfugiés arrivant en Europe, n'a en tout cas aucun regret: « Je n'ai pas fait de sacrifices, j'ai fait ce que je devais faire, ce que chacun devrait faire ».

Cet article a été publié le 9 Mai 2018 par l'AFP

 

 

Hui Min NEO

 

 

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