Artindex Monde 2019, des évolutions à la marge

Cela pourrait laisser penser que le milieu de l’art est très conservateur. Les dix premiers artistes de la liste étaient déjà présents en 2018 et les cinq premières places du podium restent inchangées. Gerhard Richter confirme sa place de numéro un pour la deuxième année consécutive, une place longtemps occupée par Bruce Nauman. L’artiste allemand, qui bénéficie d’une forte visibilité dans les musées, a participé à 1 830 expositions et 29 biennales depuis le début de son activité. Son parcours personnel à travers le XXe siècle, celui d’un Allemand de l’Est marqué à la fois par le communisme et le nazisme, a même inspiré un film de fiction : Never Look Away, de Florian Henckel von Donnersmarck, sélectionné pour l’Oscar du film étranger. L’Allemand Hans-Peter Feldmann, qui fait son entrée dans le Top 20, rappelle combien l’art conceptuel reste prépondérant en tête de ce classement.

Parmi les progressions spectaculaires, on notera la belle performance d’Anish Kapoor qui gagne en une année 22 places, en remontant du 90e au 68e rang. Pour 2018, Artindex recense 580 expositions à son actif, dont 337 en musées et 21 biennales. Autre belle progression, celle de l’Autrichien Günter Brus (78e, + 19 places) qui avait dégringolé en fin de classement l’année précédente. Né en 1938, le fondateur de l’actionnisme viennois a bénéficié d’une importante visibilité avec son exposition au Leopold Museum de Vienne, aux côtés de deux autres enfants terribles, Egon Schiele et Thomas Palme. Dans les années 1960, Günter Brus a revisité le corps en tant que thème majeur et a radicalisé l’analyse de soi esquissée par Schiele en substituant au papier et à la toile des « actions » d’une grande tension physique et psychique.

Le Suisse Daniel Spoerri (70e, + 16) est particulièrement exposé en Allemagne, Italie ou Autriche, au sein d’accrochages collectifs comme « Take me (I’m yours)», qui a voyagé de Paris (Monnaie de Paris) à Rome (Villa Médicis). Quant à Albert Oehlen (79e, + 14), il poursuit sa progression entamée en 2017. Exposé au Palazzo Grassi à Venise l’an dernier, il a été très présent en galeries et mis en exergue sur les foires (Tefaf à Maastricht, Arco à Madrid, Art Basel).

Pour les artistes français, 2018 est globalement plutôt une bonne année : ils sont trois à intégrer le bloc des cinquante premières places. Kader Attia poursuit sa spectaculaire progression, arrivant en 38e position (+ 28 points), suivi par Christian Boltanski, 47e (+ 10) et Daniel Buren, 49e (+ 4). En ce qui concerne Boltanski, si la France reste le pays où il est le plus exposé, 80 % de ses expositions se déroulent à l’étranger. Parmi les temps forts de son année, à l’exemple de « Lifetime », rétrospective de quarante années de travail au Musée d’Israël, on le retrouve en Chine (« Storage Memory » au Power Station of Art de Shanghaï) et au sein de l’exposition collective « Au diapason du monde » à la Fondation Louis Vuitton à Paris.

En 2019, Artindex recense sept Français parmi les cent premiers : outre Attia, Boltanski, Buren, figurent Pierre Huyghe (63e), Sophie Calle (80e), Claire Fontaine (89e) et Philippe Parreno (92e). Les expositions en France représentent entre 17 % et 24 % de leur activité d’exposition, mais Sophie Calle est la seule à être plus exposée à l’étranger que dans les institutions hexagonales, aux États-Unis en l’occurrence.

Plusieurs grandes signatures subissent des déconvenues, à l’instar de Jasper Johns (51e) qui perd 22 places ou encore de Frank Stella (83e), en recul de dix places. L’observation de leur évolution décennale montre une tendance à la baisse depuis 2009, confirmée avec les résultats de cette année. Leur compatriote Raymond Pettibon (98e) est sur la même tendance baissière, avec moins 19 points, qui témoigne d’une présence internationale relativement faible par rapport à l’année précédente. La provocation de Paul McCarthy (on lui doit l’affaire de Tree, le « plug anal » de la place Vendôme) ne semble plus faire recette (55e, - 12), de même Jeff Koons (58e), recule-t-il encore de deux points, après avoir perdu cinq places dans l’Artindex 2018.