PARIS
Pierre Oudart a dirigé le service des arts plastiques pendant plus de 5 ans. Alors que sa successeuse vient enfin d’être nommée, il a accepté que Le Journal des Arts publie un texte écrit lors de son départ, qui sous une forme inattendue dresse des perspectives pour ce service.
Lettre de non candidature
À partir de 2004, et au moins pendant sept ans, l’artiste Julien Prévieux, lauréat du Prix Marcel Duchamp en 2014, répond à des annonces d’emploi par des Lettres de non motivation.
Prenant connaissance de l’avis de vacance de l’emploi de chef de service directeur-adjoint chargé des arts plastiques publié dans le Journal officiel de la République française du 16 septembre 2017 , en clin d’œil à Julien, je décide d’écrire une lettre de non candidature à ce poste. Il est utile de préciser que je ne suis pas candidat puisque ce poste est celui que j’occupe jusqu’au 1er octobre de cette année 2017, ce, pendant plus de cinq années, et que je le quitte, car, j’ai souhaité rejoindre l’école supérieure d’art et de design de Marseille Méditerranée.
La lettre qui suit doit donc être lue comme un exercice de style.
Paris le 21 septembre 2017
Madame la Directrice générale de la création artistique,
Monsieur le Secrétaire général du ministère de la Culture,
J’ai l’honneur de ne pas être candidat au poste de directeur-adjoint chargé des arts plastiques publié au Journal Officiel du 16 septembre 2017.
Ce n’est pas faute d’intérêt pour ce poste, que je trouve passionnant, mais vous conviendrez qu’en étant le titulaire encore pour quelques jours, et interrompant de mon plein gré cette mission, une candidature de ma part introduirait une innovation administrative surprenante, et, en cette matière comme en beaucoup d’autres, l’administration goûte peu les surprises.
Pour autant, étant encore motivé par ce poste, voici la lettre, que je ne vous écrirai pas.
Depuis 2010, les arts plastiques sont administrés au sein du ministère de la Culture par une grande direction générale de la création artistique. On peut déplorer qu’ils y aient perdu en visibilité et en autonomie. Jadis, le délégué aux arts plastiques (il n’y a jamais eu de déléguée) rencontrait le·la Ministre et défendait lui-même son budget. Ce ne sera pas le cas du directeur-adjoint ou de la directrice-adjointe chargé·e des arts plastiques qui apprendra parfois les arbitrages de façon inopinée dans un couloir.
Cependant, j’ai la conviction que les arts plastiques n’y ont pas vraiment perdu, car, ils bénéficient de la force de frappe de « l’influençage » du spectacle vivant. Pesant peu budgétairement sur le programme « création » - environ 10 % - toute hausse des crédits, même minime, a un effet d’affichage intéressant. C’est ainsi que depuis 2012, malgré les baisses de 2013, le budget des arts plastiques a augmenté, à bas bruit, d’environ 20 %.
Mais, peu importe au fond l’argent.
Ce mariage, forcé, des arts visuels avec le spectacle vivant donne au secteur des arts visuels la possibilité de changer radicalement de point de vue pour s’intéresser moins aux œuvres qu’aux artistes. En effet, les politiques du spectacle vivant, même si elles gardent, bien sûr, un regard sur la « qualité artistique » des œuvres sont massivement des politiques de l’emploi et de l’activité des artistes, et c’est ce qui fait leur force. En revanche, les politiques des arts plastiques, pourtant créées dans les années 1980 « contre » la politique des musées d’alors, demeurent dans leur essence des politiques qui s’intéressent plus aux œuvres qu’à celles et ceux qui les réalisent. Et c’est ce qui explique en partie la relative faiblesse du système français qui a succédé au système des Beaux-Arts. Les formations qui conduisent à devenir un·e professionnel·le de l’art, agent·e privé·e ou public·que, demeurent principalement des formations d’historien·ne·s de l’art et de commissaires d’exposition.
Cette primauté de l’œuvre sur l’artiste a pour conséquence qu’en trente ans, les crédits destinés aux aides aux projets individuels, à la construction d’ateliers-logements, n’ont cessé de fondre au profit des crédits destinés aux institutions. 50 % des crédits « arts plastiques » des directions régionales des affaires culturelles vont aux Fonds régionaux d’art contemporain et 25 % aux centres d’art, le reste étant réparti entre tous les autres dispositifs, notamment les grands festivals.
On objectera que ces institutions bénéficient aux artistes. C’est vrai… quand les artistes parviennent à demeurer artistes. Une politique publique artistique qui ne serait fondée que sur l’accompagnement d’un réseau d’institutions publiques principalement destinées à la diffusion des œuvres - les expositions - est condamnée au malthusianisme et à l’assèchement de la diversité artistique et de son renouvellement, même si l’on multiplie ces lieux, et même si on les labellise.
Alors, si j’étais candidat au poste de directeur-adjoint chargé des arts plastiques, ce serait le premier axe d’action que je proposerais. Il faut sortir de la jachère le régime social des artistes auteurs ; il faut accompagner les nouveaux lieux de travail pour les artistes, partout en France et faire en sorte que les SODAVI (Schéma d’orientation des arts visuels) ne deviennent pas des instances de coordination des institutions, mais bien les lieux d’invention du possible artistique par les artistes. Il faut lancer un programme de recherche sur l’économie des artistes. Il faut amplifier la politique de résidences, dans des lieux artistiques et dans des entreprises, mais aussi dans les établissements scolaires, les universités, les hôpitaux… que sais-je ; repérer et soutenir des lieux de fabrique artistique mis en œuvre par les artistes, les créateurs, accompagner les galeries dans leur nécessaire mutation… Tout cela est d’ores et déjà posé. Quelques crédits ont été trouvés. Tout reste à faire ou presque.
Car, ce qui a fait défaut jusqu’à présent dans ces politiques, c’est une approche économique déterminée et modernisée. De nombreux acteurs demeurent enfermés dans des dogmes qui, pour être en apparence confortables, sont délétères, qui voudraient que tout ce qui est d’initiative privée n’ait pas de relation avec l’initiative publique. C’est évidemment une absurdité. Et c’est une absurdité absurde s’agissant des secteurs qui nous intéressent ici. On peut certes continuer à croire que l’art contemporain n’est que sa frange spéculative… Ce serait comme confondre un centre dramatique national avec Holiday-on-Ice.
Ainsi, en ce - encore - début de mandat, l’objectif premier doit être la rémunération des artistes auteurs des arts graphiques, plastiques et photographiques. Il faut, par exemple, parvenir à considérer que le marché des droits de propriété littéraire et artistique des œuvres visuelles est un marché aussi important que celui des œuvres musicales, multimédias, audiovisuelles et cinématographiques. Ce que l’on ne tolère pas pour la musique, doit-on le tolérer pour les images ? Ce sera long, car les habitudes sont ancrées depuis plus longtemps que l’arrivée du numérique en réseau. Mais c’est une nécessité économique et culturelle. À défaut, la création et la diffusion des images connaîtra - elle la connaît déjà - une vague de concentration terrible qui emportera la diversité culturelle. Ce qui a su être inventé pour le cinéma, le livre, les spectacles, la mode, l’ameublement… doit aussi pouvoir être inventé pour les œuvres plastiques, graphiques et photographiques.
Mais je ne voudrais pas laisser croire ici que, candidat à ce poste, je ne m’occuperais que des arts plastiques, délaissant la mode, le design et les métiers d’art. S’agissant de la mode, il faut reposer la question des outils de notre politique publique et envisager, je crois, une fusion de l’ANDAM et du DEFI.
S’agissant du design, l’APCI n’a pas la taille pertinente pour agir et ne couvre pas tous les champs du design. C’est un chantier commun à ouvrir avec le ministère chargé de l’industrie en fédérant l’ensemble des acteurs dans un nouvel organisme, par exemple à l’occasion de la candidature de la métropole lilloise pour être « Capitale mondiale du design ».
Quant à l’INMA, l’Institut national des métiers d’art, il faut reposer sans doute autrement la question d’un opérateur de l’État pour les métiers d’art. Celui-ci a été réalisé trop vite et n’est pas totalement efficace. Faut-il aller vers une agence des industries créatives ? Je n’en suis pas certain. Mode, design et métiers d’art ne sont qu’une partie de ces « industries créatives » qui ne sont d’ailleurs pas toutes des industries… Le terme « arts appliqués » n’est pas ou plus de mise. Il n’est peut-être pas nécessaire d’avoir un grand tout…
Mais, le chantier principal, ce doit être les écoles d’art. Je pense que la solution n’est pas encore trouvée et qu’il faut sans doute regrouper tous les enseignements supérieurs du Ministère dans une seule direction de la transmission artistique et culturelle. Et cela resterait tout petit face au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Mais il faut surtout que le sujet soit porté politiquement au plus haut niveau, et que le pouvoir exécutif et le Parlement s’y penchent sérieusement. Pourquoi pas une mission, rapide, qui ferait des propositions, notamment législatives, sur le statut des écoles, le statut des enseignants, les compétences partagées des collectivités sur l’enseignement et la transmission de la création artistique ? En deçà de ce niveau, cela restera du bricolage. Il faut trouver pour les écoles d’art l’ambition qui a été celle de Malraux en 1968-69 pour les écoles d’architecture. Les écoles supérieures d’art forment le premier réseau artistique français, et surtout le plus ancien. Elles sont inscrites dans l’histoire des territoires. Elles y ont été implantées, souvent il y a plus de deux siècles pour accroître ce que l’on n’appelait pas encore la « compétitivité », et souvent par les forces économiques elles-mêmes. Là aussi quelque chose doit se rejouer.
Voilà… rapidement, ce que j’écrirais en substance si j’étais candidat en ce mois de septembre 2017 au poste de directeur-adjoint chargé des arts plastiques au ministère de la Culture. Rien ne dit que je serais choisi comme titulaire de ce poste, où l’on encadre une équipe formidable, où l’on élabore des politiques publiques en concertation avec des acteurs passionnants, où l’on cherche, on réfléchit, on doute aussi…
Je vous prie d’agréer, Madame la Directrice générale, chère et joyeuse Régine Hatchondo, Monsieur le Secrétaire général, cher calme et déterminé Hervé Barbaret, l’expression sincère et décalée de mon amitié pleine de respect.
NOR: PRMG1725665V | ELI: Non disponible
Un emploi de chef de service est déclaré vacant à l'administration centrale du ministère de la culture.
Placé sous l'autorité de la directrice générale de la création artistique, le titulaire de l'emploi exercera les fonctions de directeur adjoint chargé des arts plastiques.
Collaborateur direct de la directrice générale de la création artistique, le titulaire du poste est chargé de la seconder dans la définition, la coordination et la mise en œuvre de la politique en faveur des arts visuels. Son champ de compétence inclut la photographie, les métiers d'art, le design et la mode.
A ce titre, pour toutes les questions relevant de son champ de compétences, le titulaire du poste pilote, en collaboration avec le chef de service, adjoint à la directrice générale de la création artistique :
- la politique mise en œuvre par les services de la direction générale, les opérateurs de l'Etat, les structures labellisées tels les fonds régionaux d'art contemporain et les centres d'art, les directions régionales des affaires culturelles, les collectivités territoriales et les acteurs du marché ;
- la tutelle des établissements publics relevant de sa compétence comme la Cité de la céramique Sèvres-Limoges, le Centre national des arts plastiques ou l'Académie de France à Rome et le jeu de Paume ;
- le suivi de l'activité du Mobilier national ou encore du Palais de Tokyo, du Jeu de Paume, des Ateliers Médicis ou de l'Institut national des métiers d'art ;
- l'élaboration de la réglementation relative au statut des artistes auteurs ;
- la mise en œuvre de la politique de soutien à la commande publique artistique dans le domaine des arts visuels ainsi que la définition des procédures permettant l'enrichissement, la valorisation et la conservation des fonds publics d'art contemporain, des collections publiques et des biens culturels ;
- les actions visant à valoriser et promouvoir les métiers d'art, du design et de la mode.
En lien avec les sous-directions transversales en charge de ces sujets, le titulaire du poste participe pour son champ de compétence à la définition des politiques transversales en matière d'enseignement supérieur, d'éducation artistique et culturelle, de rayonnement international.
Le titulaire du poste devra correspondre au profil suivant :
Compétences techniques :
Le titulaire du poste doit détenir une réelle connaissance du domaine des arts visuels, des professionnels et des artistes. Il doit disposer en outre de compétences affirmées dans les domaines administratif, budgétaire et juridique. Il doit maîtriser les techniques de négociation et de concertation.
Savoir-faire :
Collaborateur direct de la directrice générale, il doit faire preuve de qualités de synthèse et relationnelles affirmées tant au sein du ministère, en interministériel, qu'auprès des artistes et professionnels des différents secteurs relevant de son domaine de compétences. Ses qualités managériales doivent être confirmées.
Savoir-être :
Ayant vocation à suppléer la directrice générale, le titulaire du poste doit posséder un fort sens de la diplomatie et de la confidentialité. Liaisons hiérarchiques : Le titulaire du poste est placé sous l'autorité hiérarchique directe de la directrice générale. Il a lui-même autorité hiérarchique sur le service des arts plastiques et la délégation à la photographie.
Liaisons fonctionnelles :
Le titulaire du poste participe au fonctionnement d'ensemble de la direction générale de la création artistique et contribue à l'atteinte des objectifs. Il est en relation avec tous les services de la direction, le secrétariat général du ministère, les services déconcentrés et les collectivités territoriales en tant que de besoin.
Les missions de la direction générale sont présentées dans l'arrêté du 12 juin 2015, modifié par l'arrêté du 22 juin 2017 relatif à l'organisation et aux missions de la direction générale de la création artistique.
Conformément aux dispositions du décret n° 2012-32 du 9 janvier 2012 relatif aux emplois de chef de service et de sous-directeur des administrations de l'Etat, les candidatures doivent être transmises, par la voie hiérarchique, au secrétaire général du ministère de la culture (service des ressources humaines) et au haut fonctionnaire à l'encadrement supérieur, 182, rue Saint-Honoré, 75033 Paris Cedex 1, et à la directrice générale de la création artistique, 62, rue Beaubourg, 75003 Paris, dans un délai de trente jours à compter de la date de publication du présent avis au Journal officiel de la République française.
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Pierre Oudart : « J’ai l’honneur de ne pas être candidat » (Tribune)
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