Éducation. Dans un pays comme la France, où l’école joue un si grand rôle dans la mise en œuvre du projet national, la rentrée scolaire est toujours l’occasion d’une introspection collective comme les Français les aiment, qui en dit long sur leurs spécificités, leurs crispations, leurs fantasmes.
Parmi les « marronniers » qui refleurissent vigoureusement chaque année figure la question de la place de l’éducation artistique au sein de l’éducation tout court. Il n’est guère de nouveau ministre en charge de la Culture qui ne prenne ses fonctions sans déclarer solennellement qu’il faut renforcer les liens entre son ministère et celui de l’Éducation nationale, et il n’est guère non plus d’historien de l’art qui ne reparte au combat pour ajouter ladite histoire de l’art dans la liste des disciplines enseignées. Le premier discours est vieux comme le ministère de la Rue de Valois, le second remonte, pour le moins, à la campagne engagée dans les années 1960 par André Chastel.
L’examen du terrain conduit à conclure que des progrès sensibles ont été obtenus sur ces deux fronts, qu’il s’agisse du recours – toujours fragile, mais jadis inimaginable – à des artistes « intervenant » dans les classes, ou des options artistiques et autres programmes « école/collège/lycée au cinéma », etc. Notons cependant que la poursuite de cette dynamique se heurtera toujours non aux « restrictions budgétaires », comme on le dit souvent, mais aux intérêts contradictoires des acteurs du champ. En l’espèce on voit difficilement, par exemple, les enseignants des disciplines déjà installées se pousser un peu pour faire une place à des professeurs chargés spécifiquement de l’histoire de l’art.
Ce plafond de verre est remarquablement illustré par le contre-exemple d’un projet lancé il y a un quart de siècle et qui continue à produire des effets très bénéfiques, dans une relative discrétion. Peut-être un signe de réussite : les réformes heureuses n’ont pas d’histoire. Entreprise en 1993, à partir d’un rapport de l’historien Philippe Joutard, la réforme en question consista non à créer un enseignement de plus, mais à proposer aux élèves de certains lycées une option « Histoire des arts », disposant d’un programme à soi, mais ne faisant appel qu’à des enseignants déjà en place, professeurs de lettres et de langues vivantes, d’histoire et de philosophie, d’éducation musicale ou d’arts plastiques. En 2008 une réforme de la réforme en étendit le principe aux trois degrés (écoles, collèges, lycées), tout en conservant la spécificité de l’option des lycées. À titre d’exemple, le programme de celle-ci au baccalauréat 2017 comprenait Michel-Ange, l’Art et le sacré, l’Art nouveau, la question du Patrimoine et la scénographie des arts. On voit que l’enjeu est de dépasser le compartimentage entre disciplines artistiques. La vraie révolution réside dans le pluriel : pas « l’Art », mais « les arts », leur dialogue, leurs harmoniques.
Et le cercle vertueux s’est installé d’emblée, l’option devenant une voie recherchée par les élèves et non pas la section dépotoir que certains craignaient – ou espéraient. Assurément, c’est là aussi que gît la limite de l’expérience : d’être réservée à près de deux cents établissements « d’excellence ». En attendant la perfection, imaginez le plaisir de l’enseignant d’une université ou de l’École du Louvre qui a devant lui des étudiants qui savent déjà qui est Walter Benjamin, qui sont au courant des polémiques autour du patrimoine ou qui ont déjà réfléchi à ce qu’est « l’artification » de la bande dessinée. Une pièce à verser au dossier de la « baisse de niveau »
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Le succès discret de l’« Histoire des arts »
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Pascal Ory, historien français © Photo Georges Seguin - 2010 - Licence CC BY-SA 3.0
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°486 du 6 octobre 2017, avec le titre suivant : Le succès discret de l’« Histoire des arts »