Troisième main du sculpteur, le fondeur d’art est à la fois un technicien de haut niveau et l’interlocuteur privilégié de l’artiste, dont il doit sublimer l’œuvre.
Stricto sensu, le « fondeur d’art » est l’artisan spécialisé dans la fonte et la coulée du bronze à l’intérieur d’un moule préalablement confectionné. Mais ce terme – qui désigne parfois aussi le directeur de la fonderie – englobe en réalité l’ensemble des métiers de la forge : le mouleur, qui réalise les moules au sable ou à la cire perdue, le ciseleur, qui fait disparaître les traces de moulage et met en valeur les détails de la pièce, le fondeur proprement dit et enfin le patineur, qui donne à l’œuvre sa couleur définitive. « Nous employons à la fois des artisans experts dans un domaine et des professionnels polyvalents », explique Didier Landowski. Fils d’un fondeur de cloches, ce dernier a appris le métier « sur le tas ». Il est aujourd’hui à la tête de l’une des trois plus grandes fonderies d’art françaises (avec la fonderie Coubertin et l’entreprise Bocquel), la maison Blanchet-Landowski. « Plusieurs années sont nécessaires avant de maîtriser les différentes étapes de la réalisation d’un bronze. » Et celles-ci sont nombreuses. Ainsi de la technique de la fonte à la cire perdue, qui est, avec la fonte au sable, le principal procédé utilisé en fonderie. La première phase est le moulage : recouvert d’une chape en plâtre, le moule est constitué de plusieurs couches de silicone élastomère. Il doit comporter des plans de joints fins et précis, et se retirer facilement sans abîmer le modèle. Un moule en creux est ainsi obtenu, dans lequel du ciment réfractaire est coulé, formant ce qu’on appelle le « noyau ». Celui-ci est ensuite « tiré d’épaisseur », opération minutieuse qui consiste à ôter plusieurs millimètres par grattage. L’épaisseur restante donnera celle de la cire et, par conséquent, du bronze. Puis la cire est coulée entre le noyau et la membrane souple du moule. Celui-ci une fois ouvert, le sculpteur vient contrôler la qualité de la cire et, s’il le souhaite, apporter quelques modifications à son modèle. Après les dernières vérifications, il signe l’œuvre, et le fondeur y appose son cachet. Succèdent à cette étape encore plusieurs opérations, qui nécessitent des tours de main spécifiques : la fabrication du moule de coulée, la coulée, la ciselure et la patine. « La fonte au sable requiert encore plus d’expérience », souligne Didier Landowski. Pour ce praticien aguerri, « un bon fondeur se reconnaît à l’épaisseur de ses bronzes – laquelle doit être la plus fine possible – et à la qualité de sa patine ». Troisième main du sculpteur, il est bien plus « qu’un simple accoucheur », puisqu’il cosigne l’œuvre, engage sa responsabilité et apporte sa dextérité dans la réalisation du bronze, qui doit restituer l’esprit et la forme du modèle original. « La fonderie est un deuxième atelier pour le sculpteur, souligne Jean Dubos, directeur de la fonderie Coubertin. Il est donc fondamental qu’il y ait une relation privilégiée entre le sculpteur et son fondeur ».
Susciter un renouveau du bronze d’art
On compte aujourd’hui environ 300 personnes ayant le savoir-faire de la fonderie d’art en France. Elles viennent en général d’horizons très divers : l’École nationale supérieure des beaux-arts, l’École Boulle (qui forme à la ciselure), les lycées spécialisés dans la fonte industrielle (lire l’encadré)… « Mais chaque fonderie ayant ses propres méthodes, l’apprentissage se fait en définitive surtout au sein de l’entreprise », affirme Jean Dubos. Ce compagnon chaudronnier, créateur, avec le sculpteur Jean Bernard, d’une fonderie au sein de la Fondation Coubertin, met depuis trente ans ses compétences au service d’artistes renommés (Ousmane Sow, Robert Couturier) ou de leurs ayants droit (dans le cas notamment de Rodin et de Bourdelle). Mais, depuis quelques années, la conjoncture – crise du marché de l’art, insuffisance des commandes publiques – n’est pas favorable à sa profession. « Lorsque les sculpteurs n’ont pas de commandes, les fondeurs en pâtissent », déplore le directeur de la fonderie Coubertin. Pour que le langage du bronze reste bien vivant, ce spécialiste met des ateliers et une aide technique à la disposition des artistes, incités à créer des pièces en cire directe – ce procédé, qui implique la destruction du modèle en cire, permet la fabrication d’un bronze unique. « Les sculpteurs considèrent parfois le bronze comme un matériau trop ancien et sans avenir. Cette expérience contribuera à favoriser le renouveau du bronze d’art dans la création contemporaine. » Un renouveau qu’appelle de leurs vœux l’ensemble des fondeurs d’art.
Pour la ciselure :
- École Boulle, 9 rue Pierre Bourdan, 75012 Paris, tél. 01 43 46 67 34.
Pour la fonte à la cire perdue (avec option fonderie d’art) :
- Lycée Michel-Anguier - Paul-Cayet, 41 bis, rue de la République, 76260 Eu, tél. 02 35 50 52 00 ;
- École supérieure de fonderie, pôle universitaire Léonard-de-Vinci, 92916 Paris-La Défense, tél. 01 41 16 72 30 ;
- École nationale supérieure des beaux-arts, 14 rue Bonaparte, 75006 Paris, tél. 01 47 03 50 00.
À lire : Fèvres. Le magazine de l’artisanat des métaux, n° 7, octobre 2003, 10 euros.
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Fondeur d’art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°182 du 5 décembre 2003, avec le titre suivant : Fondeur d’art