Ungerer le provocateur

Cork (Irlande). Son premier dessin publié dans un magazine américain montrait l’Oncle Sam portant un buste de Marianne en la soulevant par les seins. Provocateur, Tomi Ungerer est avant tout un dessinateur satirique. Un illustrateur qui a fait de la provocation un sacerdoce et pris un malin plaisir à mélanger les genres : dessins de livres pour enfants, dessins satiriques et dessins érotiques.

Auteur réputé d’ouvrages de jeunesse comme Crictor (1958) ou Jean de la Lune (1969) mettant en scène brigands au cœur tendre, ogres assagis et animaux controversés, il publie, en 1970, Fornicon, une charge contre la mécanisation de la sexualité. Ses livres « jeunesse » sont aussitôt bannis des bibliothèques publiques américaines, puis britanniques. Dans les années 1980 et 1990, rebelote, le citoyen engagé qui lutte activement pour la réconciliation franco-allemande et contre le racisme et l’antisémitisme réalise des livres érotiques faisant l’éloge d’une sexualité rabelaisienne, joyeuse et innocente comme le Kamasutra des grenouilles, accompagné de dessins explicites. Créateur boulimique, il a publié quelque 140 livres et plus de 40 000 dessins. « Avec lui, cela fuse dans tous les sens, il a 36 000 idées à la minute », racontait, il y a quelques années, Thérèse Willer, la conservatrice du Musée Tomi-Ungerer - Centre international de l’illustration, qui a ouvert ses portes en 2007 à Strasbourg.

Les livres, les imprimés mais aussi les affiches ont été les principaux supports de diffusion de cet artiste militant au trait souvent violent et incisif. Dans les années 1960, il dénonçait, à grand renfort d’affiches coup de poing, la ségrégation et la guerre du Vietnam. Il fut aussi l’auteur de virulentes critiques sociales comme The Party, satire acidulée de la « bonne société » new-yorkaise. Octogénaire demeuré très actif, il publiait encore au printemps 2018, date de la sortie de Ni oui, ni non. Réponses à 100 questions philosophiques d’enfants (éd. L’École des loisirs).