Entré dans une période de stagnation, le mécénat culturel suscite plus la vigilance que l’inquiétude.
D’abord, rassurer. En mars, une étude de l’Admical s’est attachée à présenter les tendances du mécénat en cette période de crise. L’objectif était clair : taire autant les inquiétudes des bailleurs que celles des bénéficiaires. Selon ce document, 73 % des entreprises mécènes annoncent ainsi une stagnation de leurs budgets consacrés au mécénat, 11 % seulement s’engageant à prédire une augmentation. Pour les seules entreprises mécènes de la culture, 22 % confirment néanmoins qu’elles réduiront leur engagement, contre seulement 8 % envisageant de l’augmenter. Si la situation n’est donc pas encore catastrophique, le secteur culturel fera inévitablement les frais de la conjoncture, contrairement aux secteurs de la solidarité et de l’humanitaire. « La solidarité risque de grever les budgets ; les mécènes vont moins s’intéresser à la culture, confirme Guillaume d’Andlau, responsable du mécénat et des relations publiques du groupe Crédit Agricole. La crise va changer les rapports entre les mécènes et les institutions culturelles ». À l’heure des licenciements massifs dans certains secteurs, le mécénat culturel, qui reste toutefois le deuxième domaine d’action en termes de libéralités, ne fait en effet plus toujours consensus au sein des entreprises. « Lorsque nous avons consacré plus d’un million d’euros à la restauration d’un monument historique, il nous a fallu faire face aux réactions virulentes des syndicats », confirme, sous couvert de l’anonymat, le responsable de mécénat d’une grande entreprise française. Robert Fohr, chef de la Mission mécénat au Ministère de la culture, préfère éviter d’être alarmiste. « Le mécénat culturel connaît une période de frilosité pour ce qui relève de l’événementiel, soutient-il. Mais il n’est pas atteint sur le fonds. Les partenaires, notamment les PME, ne sont pas du tout fermées aux projets. Il n’y a pas de rupture. »
Une logique de programmes
Après plusieurs années d’effort pour convertir les entreprises aux vertus des nouvelles dispositions fiscales, le ministère de la Culture risque pourtant d’être désormais à la peine pour recruter de nouveaux candidats. Principalement dans le domaine du mécénat financier. Les banques, traditionnellement engagées dans le secteur culturel, ont en effet vu s’évaporer sur des marchés versatiles une bonne part de leurs liquidités. L’imagination doit donc être de mise pour séduire les donateurs. Deux types d’actions ont ainsi de plus en plus la faveur des entreprises, soucieuses d’avoir un contrôle plus direct sur leur engagement : le mécénat en nature et le mécénat de compétences (lire p. 17). « Après des années passées à être sollicité, aujourd’hui, c’est le mécène qui choisit et cible son action », confirme Guillaume d’Andlau. Certaines entreprises, connues pour leurs actions de mécénat, croulent en effet sous les demandes de financement émanant d’associations ou d’institutions culturelles. D’après Jean-Jacques Goron, délégué général adjoint de la Fondation BNP-Paribas, 4 000 demandes annuelles parviennent ainsi à son service. Dans ce contexte, les mécènes avertis préfèrent se concentrer sur une logique de programmes afin de préserver une cohérence à leur engagement. Qui peut aussi varier en fonction des bouleversements du paysage économique et des fusions d’entreprises, redistribuant les cartes de l’engagement philanthropique en fonction de leur objet social ou de leur implantation géographique.
L’heure est au pragmatisme
Pour les institutions culturelles, incitées par leur tutelle à augmenter leurs ressources propres, l’heure est donc à l’inquiétude. Mais dans de nombreux petits musées, les chefs d’établissement ont déjà privilégié depuis longtemps le pragmatisme. Entendue au mois d’avril par des députés rédigeant un rapport sur les musées nationaux, Anne Baldassari, directrice du Musée Picasso, à Paris, a ainsi reconnu « privilégier les tournées internationales des œuvres du musée, plus lucratives, au développement du mécénat ». Propos confirmés par Marie-Cécile Forest, directrice du Musée Gustave Moreau, à Paris, qui a elle aussi engagé son musée dans une politique d’itinérance : « Les petits musées restent en dehors du phénomène du mécénat, pour une question de prestige mais aussi un problème des contreparties à offrir. Nous n’avons pas toujours d’espaces à fournir. » Entendu également dans ce cadre, Henri Loyrette, président-directeur de l’établissement public du Musée du Louvre, a réfuté l’idée d’une omnipotence de son musée dans le domaine. « D’expérience, je dirais que ce n’est pas la taille de l’établissement qui compte, mais le projet que l’on est capable d’apporter et de vanter (...). La taille du Musée du Louvre n’a aucun effet stérilisant sur les institutions culturelles françaises. » Les chiffres sont pourtant éloquents : chaque année, le Louvre draine près de 25 millions d’euros de mécénat. Ce qui le place, pour 2007, derrière le Metropolitan Museum of Art (40 millions d’euros) mais devant la Tate Gallery (22 millions d’euros) et le British Museum (10 millions d’euros), tous deux à Londres. Dans ce contexte, la Rue de Valois tente d’innover. Le 11 février 2009, le décret autorisant la création des fonds de dotation – qui instaure l’idée d’un mécénat finançant le développement d’une institution –, a ainsi été publié. Il permettra au Louvre d’être doté d’une structure juridique capable de faire fructifier les 400 millions d’euros provenant de la cession de sa marque à Abou Dhabi. Avec un certain désenchantement : le taux de rendement sera beaucoup plus faible que celui annoncé l’an passé, du fait de la baisse substantielle des taux d’intérêt. D’après les responsables du musée, les perspectives de taux à 10 ou 12 % seraient aujourd’hui retombées à 4,5 ou 5 %. Ce qui semble encore optimiste. L’exemple du Louvre n’a par ailleurs pas encore fait d’émules. « Si des établissements comme le Musée du Louvre peuvent escompter de réelles retombées financières à la suite de la création d’un fonds de dotation, il n’est pas évident qu’il en aille de même pour un établissement plus modeste, constatent Eric Baron et David Taron, avocats au barreau de Paris, dans une étude réalisée début 2009 pour le Centre français des fondations. Sur ce point, un regroupement d’établissements publics pourrait être envisagé afin de conférer une taille suffisamment critique au projet, et donc attirer les donateurs. » Le modèle risque donc de mettre du temps avant de s’imposer.
L’édifice reste fragile
Le 17 novembre 2008, lors du Forum d’Avignon sur l’économie de la culture, le Premier ministre François Fillon dressait ainsi le bilan de l’entrée en vigueur de la loi mécénat : « La loi a déjà permis de multiplier le nombre des entreprises engagées par quatre et de passer de 300 millions d’euros à 1 milliard d’euros en deux ans. On voit le chemin qu’il nous reste à parcourir, il est tracé. Cela fait cinq ans que cette loi est votée. Je pense que c’est le moment d’en évaluer les résultats et de voir comment nous pouvons mobiliser davantage les financements privés. » Érigé en nouveau modèle culturel de financement de la culture, le mécénat devra pourtant tirer les conséquences de la crise, qui montre à quel point l’édifice demeure fragile. Si la France a rattrapé le niveau de ses voisins anglo-saxons, grâce à une législation devenue très attractive, l’incitation fiscale ne semble pas suffisante. Il faut aussi susciter l’envie, surtout quand les priorités sont ailleurs.
Le Musée Fabre de Montpellier possède un tableau incomplet de Poussin : Vénus et Adonis. Il souhaite acquérir la partie manquante, Paysage au dieu fleuve, exposé actuellement dans les salles du musée mais appartenant au Patti Birch Trust à New York. Le tableau a été reconnu œuvre d’intérêt patrimonial majeur.
Le Musée d’Orsay, à Paris, a lancé l’année dernière un appel à mécénat pour faire l’acquisition d’une œuvre de Paul Cézanne, Le Festin (1867-1870), reconnu œuvre d’intérêt patrimonial majeur.
Le Musée des Arts décoratifs, à Paris, attend de pouvoir faire entrer dans ses collections un ensemble de cent soixante-seize dessins provenant de la manufacture de l’orfèvre Jean-Baptiste-Claude Odiot, reconnue œuvre d’intérêt patrimonial majeur.
Le Musée de la Musique, à Paris, souhaite acquérir un clavecin à trois claviers Hiéronymus Albrecht Hass, Hambourg, 1740, classé trésor national.
La Bibliothèque nationale de France aimerait voir entrer dans ses collections le fonds documentaire du magazine L’Illustration, collection d’intérêt patrimonial majeur.
Pour plus d’information, contacter la mission mécénat du ministère de la Culture : tél. 01 40 15 83 97/ 79 15, mission-mecenat@culture.gouv.fr
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Une année de transition
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°302 du 2 mai 2009, avec le titre suivant : Une année de transition