Né en Bavière et habitant aujourd’hui à Marseille, Ulrich Fuchs (de nationalité française et allemande) a longtemps enseigné à l’université de Brême (Allemagne) avant de s’investir dans le programme des Capitales européennes de la culture.
Il a préparé la candidature de Brême, a été le directeur de la programmation de Linz 2009 (Autriche) puis, en 2010, directeur général adjoint de Marseille-Provence 2013. Il connaît bien le processus de sélection pour avoir été de 2014 à 2019 membre et président du jury lors de la sélection, du suivi et de l’évaluation des Capitales européennes. Il conseille aujourd’hui la candidature de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).
Le jury est en train d’étudier les dossiers des 9 candidatures. Chaque ville va être auditionnée à Paris fin février/début mars : 45 minutes de présentation libre et 45 minutes de questions-réponses. La délégation peut comprendre jusqu’à 10 personnes, les discussions se tiennent soit en anglais, soit en traduction simultanée. Le jury délibère ensuite sur les candidatures et vote pour la liste des villes présélectionnées, dont le nombre peut aller de 2 à 5. Je me souviens que, pour la capitale allemande pour 2025, le jury n’avait pas réussi à se mettre d’accord et avait dû annoncer une liste de 5 villes présélectionnées. À l’issue de la délibération, sans doute vers le 4 mars, les villes présélectionnées seront annoncées lors d’une conférence de presse.
Le jury est constitué de 10 personnalités européennes, souvent d’anciens responsables de Capitales européennes de la culture, nommés par les institutions européennes, plus deux experts français nommés par le ministère de la Culture. Dans le cas où il y a égalité dans le vote, le président du jury dispose de deux voix. Les mandats sont de trois ans et les jurés reçoivent une indemnité de 500 euros par jour de travail.
Le jury examine les six critères du bid book (contribution à la stratégie à long terme, dimension européenne, contenu culturel et artistique, capacité de réalisation, portée, gestion). D’après mon expérience, à ce stade de la candidature, le jury est surtout attentif à la nature générale du projet, aux enjeux et à l’investissement réel des habitants et des élus. Se sont-ils vraiment impliqués et depuis combien de temps, ou la ville a-t-elle plus ou moins délégué l’élaboration de la candidature à une agence de marketing qui aurait fait du copier-coller ? C’est l’audition de la délégation qui va permettre de mesurer le degré d’implication de la ville. Les villes reçoivent un rapport détaillé sur leur candidature. Ce rapport est d’ailleurs accessible pour tout le monde sur le site de la Commission européenne. Les villes présélectionnées sont invitées à préciser tel ou tel point dans le deuxième dossier.
À qualité égale des projets, le jury sélectionne plutôt les villes pour lesquelles le label peut avoir un véritable effet de levier. S’il est certain qu’une ville qui bénéficiera plus que d’autres du label a plus de chances, encore faut-il qu’elle ait un dossier solide.
Il est demandé aux villes présélectionnées de rédiger pour la fin de l’année 2023 un deuxième bid book, plus complet que le premier, d’environ 100 pages. Le contenu des programmes, le financement et les équipements de la Capitale doivent être beaucoup plus précis et fermes, en particulier s’agissant des fonds régionaux. Rappelons qu’en dehors du prix « Melina Mercouri », d’1,5 million d’euros, l’Europe ne verse pas directement de fonds. En revanche, l’obtention du titre permet d’obtenir plus facilement des fonds structurels européens. Ensuite une délégation de quatre jurés plus un membre de la Commission européenne et un autre du ministère de la Culture vont se rendre pour une seule journée (de 9 heures à 18 heures) dans chaque ville, qui est libre d’organiser la journée comme elle l’entend. Puis il y a de nouveau des auditions de 90 min, à l’issue desquelles le jury recommande une ville comme Capitale européenne de la culture, laquelle sera validée par le ministère de la Culture et la Commission européenne.
Oui indiscutablement. Pour Marseille-Provence 2013 [MP2013], le jury avait été impressionné par le nombre de nouveaux équipements. Mais cette époque est révolue, il est plus attentif à la dimension écologique, à l’utilisation du numérique et à la capacité de toucher tout le public du territoire, en particulier les habitants du périurbain et du rural. Voilà pourquoi le jury examine attentivement la gouvernance de la programmation et sa capacité à influer réellement au-delà de la ville Capitale. Pour MP2013, la rivalité entre Marseille et Aix avait été un « sujet ». Pour 2028, je pense que le jury va se demander par exemple pourquoi une candidature intègre les villes d’un pays voisin et pas les villes nationales toutes proches…
Pas le moins du monde et ce serait mal vu. Pendant toute ma carrière de juré, je n’ai jamais subi la moindre pression. De même que les jurés n’acceptent aucune sollicitude.
Je pense que Rouen et Reims ont des chances de figurer dans la liste en raison du sérieux travail de préparation des équipes, ainsi que Saint-Denis pour son caractère inédit. Bourges a bien préparé son dossier mais la petite taille de la ville peut être un handicap. Mais je peux me tromper…
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Ulrich Fuchs, ancien membre du jury européen : « Je n’ai jamais subi la moindre pression »
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°603 du 20 janvier 2023, avec le titre suivant : Ulrich Fuchs, ancien membre du jury européen : « Je n’ai jamais subi la moindre pression »