SAINT-DENIS
Les Jeux olympiques sont vus par les candidats comme une opportunité pour la culture. La reconstruction de la flèche de la basilique et le devenir de l’ex-siège de « L’Huma » sont aussi dans le débat.
À Saint-Denis, cette commune de 111 000 habitants située aux portes de Paris, la promesse des Jeux olympiques sur le territoire de la commune attise bien des convoitises. Si Alexandre Benalla, qui depuis a retiré sa candidature, s’imaginait déjà serrant la main du président Macron le jour de la cérémonie d’ouverture, les autres candidats ne manquent pas de grands projets pour faire briller la ville sous les projecteurs. Le candidat de l’opposition Alexandre Aïdara (La République en marche [LRM]) voit dans cet événement « un moyen de financer la culture à Saint-Denis», qui, d’après lui, « pèche aujourd’hui par manque d’ambition ». Ce proche de Christiane Taubira entend bien concentrer ses efforts pour « lui donner un nouveau souffle via la venue d’artistes en même temps que de sportifs et la création dès 2020 d’un “Saint-Denis Plages”qui animera culturellement les JO ».
De souffle culturel pourtant, la ville n’en manque pas avec son Théâtre Gérard-Philipe (TGP), ses deux festivals de musique classique et de hip-hop et la diversité de son patrimoine sublimé par la basilique, au côté du Musée d’art et d’histoire Paul-Éluard ou de l’ancien siège du quotidien L’Humanité construit par Oscar Niemeyer [lire l’encadré]. Toutefois, l’un des reproches majeurs formulés par deux des principaux challengeurs déclarés – le candidat La France insoumise ayant refusé de nous répondre – repose, comme l’explique Mathieu Hanotin soutenu par Génération.s, « sur une offre intéressante mais disparate car non fédérée et mal mise en valeur ». « Il faut valoriser et enrichir l’existant », insiste-t-il.
Aujourd’hui, le budget alloué à la culture à Saint-Denis s’élève à 7,3 millions d’euros dont 4,3 sont affectés aux personnels et 2,9 destinés au fonctionnement, lequel concerne avant tout (pour 2,2 M€) le TGP, le cinéma et les festivals, le reste étant ventilé sur des projets annexes et à une centaine d’associations. Une enveloppe de 680 000 euros est destinée à l’Éducation artistique et culturelle (EAC) et à la diffusion de la culture dans les quartiers. « Le budget de l’EAC n’est pas suffisant », pointe Mathieu Hanotin. Sous sa casquette de conseiller départemental de Seine-Saint-Denis, il revendique avoir budgété ces dernières années 1,5 million d’euros pour organiser 40 heures d’interventions d’artistes dans 130 collèges. « Si je suis élu, je souhaite réitérer cette expérience mais en passant par les 50 centres de loisirs de la ville », explique-t-il.
Pointé du doigt aussi, l’équipement culturel, car celui-ci ne représente qu’un tiers des 40 millions d’euros du budget global de l’équipement. « Pendant dix ans, nous avons investi les deux tiers de ce budget dans la construction d’écoles », se défend Laurent Russier, élu maire (Parti communiste) à la suite de la démission de Didier Paillard en 2016. Aujourd’hui cette phase est achevée et « nous pourrons désormais consacrer la moitié de ces 40 millions d’euros à l’équipement culturel », ajoute le maire candidat à sa succession. Au premier rang de ces futures réalisations, la « Maison des pratiques artistiques amateurs » (musique et arts plastiques) est budgétée pour 13,8 millions d’euros. « Le nouveau conservatoire est déjà financé et sera livré début 2023 », affirme Laurent Russier. Simple annonce quand la Mairie est incapable de communiquer son plan de financement ? Même chose pour le projet de création en 2023 d’une « Maison des langues », dont ne sont divulgués ni le budget ni le financement. Mathieu Hanotin dénonce le clientélisme et remarque que « des économies sont réalisables sur les 66,7 millions d’euros affectés à la masse salariale pour les destiner à la valorisation de la culture, à son équipement ».
La perspective des JO a aussi mis en évidence à Saint-Denis une érosion des espaces culturels que tous les candidats sont décidés à corriger. La municipalité veut ainsi créer au sein du nouveau conservatoire une salle de concerts tandis qu’Alexandre Aïdara projette l’ouverture d’un grand lieu culturel calqué sur l’espace Darwin à Bordeaux, cela dans d’anciens locaux de la SCNF appelés les « Cathédrales du rail ». « Nous financerons les quelque 50 millions d’euros de rénovation de cet espace loué à la SNCF sous la forme d’un partenariat public-privé, ensuite la location des parcelles à des personnes privées financera la viabilité du projet », explique-t-il.
L’objectif est de présenter aux touristes de 2024 un visage attractif avec, au cœur de ces projets culturels, la reconstruction de la flèche de la basilique pour un budget global de 28 millions d’euros étalé sur dix ou douze ans. Si Mathieu Hanotin conditionne le programme à la « stabilisation des financements », côté Mairie on assure que la consolidation du pilier nord est déjà financée par les 50 000 euros récoltés par l’association Suivez la flèche ; sera installé un échafaudage baptisé « le Belvédère », accessible pour une visite touristique. « Le reste sera financé par des mécènes et probablement des deniers issus des dons à Notre-Dame, soutient Laurent Russier. C’est en tous cas ce que nous sommes en train de négocier. »
Alexandre Aïdara partage cet objectif et veut intégrer la basilique dans un circuit patrimonial. Toutefois, si la Ville milite pour un remontage à l’identique, le candidat LRM pose la question d’un concours d’architecture. « Les nouvelles générations doivent pouvoir laisser leur trace, pourquoi pas par des touches technologiques autour de la lumière… », s’interroge le candidat qui, a contrario de la municipalité actuelle, milite pour une exécution rapide dans l’objectif de 2024. Une flèche toute neuve qui pourrait être l’un des piliers de la candidature de la ville de Saint-Denis pour le titre de « Capitale européenne de la culture 2028 », le grand projet de Mathieu Hanotin afin de capitaliser sur « l’effet JO ». Pour le mettre en œuvre, le conseiller départemental entend « lancer un “hackathon” de la culture pour faire émerger un projet culturel innovant ».
Que faire de l’ancien siège de « L’Humanité » ?
« Patrimoine remarquable » de Saint Denis, l’ancien siège du journal L’Humanité conçu par Oscar Niemeyer en 1989, reste en déshérence après l’abandon du projet de réaffectation en préfecture. Les candidats LRM et Génération.s entendent bien se réapproprier le bâtiment, aujourd’hui propriété du ministère de l’Économie. Mathieu Hanotin propose de le transformer en « vaisseau amiral de la culture dans la perspective des JO de 2024 ».« Il sera un outil servant de réceptacle aux Olympiades culturelles qui démarreront en octobre 2020 et pourra aussi abriter une “maison de l’image numérique” dont le projet a échoué à La Courneuve, poursuit-il. L’argent est un faux problème car l’objectif de la rénovation, estimée entre 20 et 30 millions d’euros, est de profiter de la dynamique des JO pour convaincre financiers et mécènes de participer à sa rénovation. » Si le candidat Génération.s envisage uniquement de louer le bâtiment Niemeyer, celui de LRM veut le faire racheter par la Ville au prix de 12 millions d’euros pour en faire une école du numérique et des métiers de l’environnement,« de peur qu’il n’échappe un jour à la municipalité et soit transformé en hôtel ». « Un projet irréaliste », selon Mathieu Hanotin, alors que le candidat LRM le défend en affirmant que « cet achat est dans les cordes de la Ville dont le budget s’élève à 292 millions d’euros ». La réhabilitation, qu’il estime entre 15 et 20 millions d’euros, pourrait ensuite être « financée par des fonds privés via la création d’une fondation ».
Véronique Pierron
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Municipales 2020 : A Saint-Denis, les JO pour financer la culture
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°537 du 17 janvier 2020, avec le titre suivant : Saint-denis Les JO pour financer la culture