La ville est l’une des dernières capitales européennes à ne pas avoir de musée consacré à l’Holocauste.
Rome. La déclaration du ministre de la Culture italien a été faite à une date symbolique : 80 ans après la rafle dans le quartier romain du Ghetto, le 16 octobre 1943, au cours de laquelle 1 023 juifs furent déportés à Auschwitz. Gennaro Sangiuliano a confirmé que Rome aurait enfin son « Musée de la Shoah ». Il en avait fait l’annonce en mars en débloquant dix millions d’euros pour créer un tel musée, déjà « présent dans toutes les grandes capitales d’Europe ». En ce mois d’octobre, le parlement italien a définitivement donné son approbation à un projet dont l’idée avait été lancée il y a 26 ans par le maire de Rome, Walter Veltroni.
Ironie de l’histoire, le musée verra le jour grâce à un gouvernement dont la présidente du Conseil vient des rangs de la droite postfasciste. Jeune militante du Mouvement social italien (MSI), héritier du Parti national fasciste, Giorgia Meloni faisait l’éloge de Benito Mussolini. Celui qu’elle qualifiait de « l’un des plus grands chefs d’État que l’Italie ait compté » institua les lois raciales en 1938 qui mirent les juifs au ban de la société. Elles leur interdisaient l’accès aux emplois de la fonction publique, excluaient leurs enfants des écoles publiques, et leur interdisaient de se marier avec des Italiens. Elles ouvrirent la voie à la collaboration du régime fasciste avec l’Allemagne nazie pour les déporter au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Symboliquement, le futur musée sera construit sur un terrain jouxtant le parc de la villa Torlonia qui fut la résidence du Duce. Les travaux débuteront au plus vite pour une inauguration prévue en 2026. Le bâtiment, dont le projet a été confié aux architectes Luca Zevi et Giorgio Tamburini, aura la forme d’une boîte noire avec des briques sur lesquelles seront inscrits tous les noms des déportés romains. Seuls 16 ont survécu aux camps de la mort. Les murs en béton armé rappelleront la mémoire des victimes des autres régions italiennes.
« Le musée sera un lieu d’une importance fondamentale pour transmettre aux générations futures la honte des lois raciales et le témoignage des barbaries nazies et fascistes dont le dessein criminel a ôté la vie à tant de personnes », a déclaré le ministre de la Culture. Il se fait ainsi l’écho de la volonté du gouvernement de « concourir à maintenir vivante et présente la mémoire de la Shoah ». Pour la présidente de la communauté juive romaine, Ruth Dureghello, le musée devra avoir « une fonction essentielle pour la mémoire de la Shoah et l’éducation dès le plus jeune âge ».
Selon l’institut Ipsos, 7 % des Italiens pensent que l’Holocauste n’a pas existé et les actes antisémites se sont multipliés ces dernières années, en particulier dans les tribunes des stades de football. Le « Musée de la Shoah » devra « être un instrument d’éducation à la démocratie, au pluralisme [...] parce que, malheureusement, nous voyons que des choses que nous considérions comme acquises et comme des conquêtes définitives ne le sont pas », renchérit l’architecte Luca Zevi.
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Rome va se doter d’un « musée de la Shoah »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°620 du 3 novembre 2023, avec le titre suivant : Rome va se doter d’un « musée de la Shoah »