Un vent de panique à peine maîtrisé semble souffler sur Rome. En effet, tous les grands projets prévus pour le Jubilé sont mis au rebut les uns après les autres, et les conseillers municipaux chargés de gérer le flux des 24 millions de pèlerins attendus au cours de l’Année sainte 2000 sont au bord la crise de nerfs. L’un d’entre eux n’hésite pas à annoncer “un véritable chaos�?.
Dans un effort désespéré pour rassurer les citoyens et apaiser ses propres angoisses, la Commune de Rome a recruté un ancien général de l’armée, Franco Angioni, pour superviser les grands projets publics. Une seule chose est certaine pour l’instant : le Pape ouvrira la Sainte Porte de la basilique Saint-Pierre le soir de Noël 1999. Cette année de Jubilé sera la première de l’histoire à être célébrée simultanément partout dans le monde. Elle pourrait même se prolonger jusqu’au 6 janvier 2001, la seule visite officielle du Pape à l’étranger au cours de l’Année sainte étant un voyage au Mont Sinaï en compagnie de représentants des communautés juive et musulmane. Par ailleurs, le programme définitif des manifestations organisées par le Vatican devrait être annoncé au cours des prochains mois. L’incertitude continue de peser sur le grand concert pour la jeunesse qui devrait avoir lieu dans les champs autour du Santuario del Divino Amore, au sud de la ville, et que la presse italienne surnomme déjà “le Woodstock du Pape”.
L’indifférence des Italiens
La fièvre du millénaire n’a pas franchement enflammé l’Italie. Depuis que le Pape a annoncé le “Grande Giubileo”, les Italiens voient plus en l’an 2000 la Mère des Années saintes qu’une ouverture symbolique sur une nouvelle ère. Cette manière de penser se reflète d’ailleurs dans les mesures prises par les autorités locales et nationales pour faire face à l’événement : elles consistent à procéder au nettoyage des monuments, à améliorer les transports et à gérer au mieux le flux des visiteurs ; mais pas de grands projets architecturaux en vue.
Francesco Rutelli, le maire écologiste de Rome, avait présenté la première ébauche du programme romain pour le Jubilé en avril 1995. Le principal objectif était de limiter la circulation dans le centre-ville, qui cause déjà assez de dégâts sans les quelque 8 000 voitures et 700 cars supplémentaires attendus chaque jour de l’année 2000. Mais, depuis, la paralysie de l’administration et les votes d’opposition ont eu raison des deux principaux projets : la ligne de métro entre le Colisée et Saint-Pierre, et le passage souterrain du château Saint-Ange, qui aurait permis de désengorger l’un des pires lieux d’embouteillage.
Il ne reste plus grand chose du grand projet initial du Jubilé, à l’exception d’un parking souterrain qui sera construit sous la colline du Janicule, sur une parcelle extra-territoriale appartenant au Vatican. Il pourra accueillir 808 voitures et 105 cars, et sera en outre pourvu d’un bureau d’orientation pour les pèlerins et d’un restaurant. Parmi les autres projets approuvés par le conseil muicipal figurent le ravalement de huit ponts historiques sur le Tibre, la restructuration des gares Saint-Pierre et Termini, la construction d’une troisième voie sur les tronçons du périphérique qui en sont encore dépourvus, et le développement du réseau des transports publics romains.
L’auditorium de Renzo Piano
La plus ambitieuse des entreprises architecturales de la Ville éternelle sera terminée avant la fin de l’année 1999, mais il ne s’agit là que d’une heureuse coïncidence, car elle a été récupérée et intégrée dans les projets du Jubilé par un maire sous pression. L’auditorium de Renzo Piano, en construction sur un terrain vague des quartiers nord de la ville, près du Stade olympique, devrait remplacer l’auditorium Santa Cecilia devenu trop étroit. Ce nouvel édifice comprend trois salles autonomes de taille différente regroupées autour d’un hall central, qui ressemblent, vues d’en haut, à d’énormes scarabées blancs – ou à des souris d’ordinateurs, selon les références de chacun. Les délais sont respectés, malgré l’inévitable découverte archéologique : une villa romaine qui sera intégrée dans la construction.
Sur le front des arts et du patrimoine, les efforts sont concentrés sur des projets de restauration, et tout est fait pour qu’ils coïncident avec le Jubilé. Le Forum romain et les Forums impériaux, saignés dans les années trente par la construction de la Via dei Fori Imperiali sur décision de Mussolini, seront reliés par un passage souterrain et réunis sur le plan administratif. Pour l’instant, l’un des monuments est géré par l’État, l’autre par la Commune de Rome. La colline du Capitole sera plus largement consacrée aux musées, puisque plusieurs services municipaux vont être déplacés, tandis que l’ensemble de la Via Appia Antica, parsemée de vestiges romains, sera transformée en parc archéologique. Les travaux de restauration du Colisée devraient toucher à leur fin, et bon nombre de villas, d’églises et de parcs devraient être rénovés.
Des expositions d’envergure
Diverses initiatives du dynamique ministre de la Culture Walter Veltroni contribueront à améliorer encore l’accueil des touristes de l’année 2000. La collection du Museo Nazionale Romano sera finalement présentée dans les espaces d’exposition récemment restaurés du Palazzo Altemps, ouvert depuis décembre, et du Palazzo Massimo, dont l’ouverture est prévue le 28 juin. En outre, les grands musées du pays prévoient d’élargir leurs horaires d’ouverture – de 9h à 22h, tous les jours sauf le lundi –, si le schéma directeur ne se heurte pas à l’opposition des syndicats ou à l’indifférence du public.
Le ministère des Biens culturels a également annoncé une série d’expositions d’envergure pour l’an 2000. Le programme “Roma - Universalitas Imperii” se concentrera sur la diversité ethnique de la ville, de l’époque républicaine à l’aube du christianisme. Une autre manifestation, au Palais des Expositions, sera consacrée à la Rome du XVIIe siècle vue à travers l’œuvre de l’historien Giovan Pietro Bellori, pour lequel le pape Clément X avait créé le poste d’“antiquaire de Rome”. L’exposition phare, déclinée en trois grandes manifestations au printemps 2000, présentera Rome comme La Mecque des artistes entre 1770 et 1870. Enfin, le Palazzo Venezia célébrera la première Année sainte, proclamée par le pape Boniface VIII en 1300.
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Rome au bord de la crise de nerfs
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°60 du 9 mai 1998, avec le titre suivant : Rome au bord de la crise de nerfs