ITALIE
La plus célèbre route romaine de l’Antiquité fait l’objet d’un vaste plan de restauration et de mise en valeur d’un montant de 21 millions d’euros. L’Italie va soumettre la candidature de la « via Appia » à l’Unesco.
Rome. « Tous les chemins mènent à Rome. » Une expression que l’on doit au réseau d’une trentaine de voies convergeant sous l’Antiquité vers la Ville Éternelle. La voie Appienne (« via Appia » en latin) est la première et la plus célèbre d’entre elles. Elle fut construite en 312 av. J.-C. à l’initiative d’Appius Claudius Caecus qui lui donna son nom. Une route de plus de 500 km de long joignant Rome, le cœur de la Péninsule, à Brindisi, son talon dans les Pouilles. Ce chef-d’œuvre de l’ingénierie de l’époque servit de modèle pour la construction des plus de 12 000 kilomètres de routes quadrillant l’Empire romain et il consolida la réputation de ce « peuple bâtisseur ». Son importance fut telle qu’on lui affubla à l’époque le surnom de « Reine des voies » (Regina Viarum), enrichissant par la même occasion la liste de nos expressions puisqu’on lui doit celle de « prendre la voie royale ». Si la voie Appienne figure donc à plein titre sur la liste de notre patrimoine linguistique, elle n’est en revanche pas inscrite sur celle du patrimoine mondial de l’Unesco.
L’Italie y pensait depuis 2006, mais c’est au printemps dernier seulement qu’est lancé le processus de la candidature qui sera déposée officiellement le 1er janvier prochain, par le ministère de la Culture. Une première. C’est en revanche l’une des dernières actions du désormais ancien ministre Dario Franceschini, qui a quitté son poste à la fin du mois d’octobre. « C’est un itinéraire à valoriser et à placer au centre du “tourisme lent” pour renforcer l’offre de nouvelles attractions telles que les chemins et routes durables, fondamentaux pour le développement culturel des zones intérieures, mais aussi pour la protection de notre patrimoine, a-t-il expliqué. Regina Viarum unit des territoires riches d’un extraordinaire patrimoine culturel, archéologique et paysager, et a les attributs pour devenir l’un des plus grands chemins européens. »
C’est déjà sans conteste, avec le chemin de pèlerinage de la via Francigena (elle aussi candidate à son inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco), le plus grand chemin italien serpentant à travers pas moins de quatre régions, 74 communes ainsi que 15 parcs archéologiques. Parmi eux, celui de l’Appia Antica créé le 10 novembre 1988, d’une surface d’environ 3 500 hectares dans lesquels courent les 18 kilomètres « romains » de la voie Appienne. Importance géographique mais surtout stratégique et symbolique, puisque l’apôtre Paul emprunta la voie Appienne pour se rendre à Rome vers 65 et que les croisés et les pèlerins la parcouraient pour rallier la Terre sainte, tandis que les marchandises en provenance ou à destination de l’Orient y transitaient. Sans oublier l’intérêt culturel et artistique alors qu’elle est longée par les thermes de Caracalla, les Catacombes de San Callisto ou la basilique de San Sebastiano, mais aussi de nombreux mausolées et monuments funéraires, sans oublier les vestiges de villas antiques.
Une valeur artistique et historique qui ne l’empêcha de tomber en désuétude. Lorsqu’en 2015 l’écrivain italien Paolo Rumiz décide d’arpenter cette route emblématique pour le quotidien italien La Repubblica, il découvre avec stupeur l’inexistence d’une carte moderne. Cela ne le dissuade pas d’entamer le périple qui attire l’attention du ministère de la Culture. Des tronçons entiers avaient disparu sous des siècles d’abandon et de développement anarchique tandis que des trésors archéologiques reposaient en mains privées ou étaient voués à la destruction faute d’un entretien adéquat.
En mai 2021, grâce aux fonds du plan de relance européen, le gouvernement décide de débloquer 21 millions d’euros pour soutenir et accélérer le processus de candidature de l’inscription de la via Appienne sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco. L’argent servira avant tout à des opérations de fouilles archéologiques, de restauration et de valorisation touristique. Des tronçons ne cessent ainsi d’être exhumés. La dernière annonce remonte d’ailleurs au 11 novembre 2022 dans la province de Latina, sur un chantier routier comportant plusieurs mètres de voie dans un état de conservation parfait qui resteront visibles au public. Vingt-deux portions de la voie Appienne d’une « valeur exceptionnelle » ont été sélectionnées pour bénéficier des investissements nécessaires à leur cartographie, nettoyage et transformation en parcours de randonnée pédestre et/ou cycliste. L’intention du gouvernement est de créer un véritable chemin de pèlerinage à travers l’histoire, avec des étapes dans des villages pittoresques et des sites archéologiques pour aider au développement d’un tourisme local et durable hors des sentiers battus. Alors que la décision de l’Unesco est attendue dans les mois à venir, le National Geographic a déjà inscrit la voie Appienne sur sa liste les destinations à visiter en 2023.
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La voie Appienne candidate au Patrimoine mondial
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°601 du 16 décembre 2022, avec le titre suivant : La voie Appienne candidate au Patrimoine mondial