Mal conçu et mal reçu, le Monument à Victor-Emmanuel II continue de poser des problèmes à la ville de Rome. Les promenades extérieures, fermées au public depuis 1969, seront rouvertes après restauration. Celle-ci a été rendue possible par les fonds exceptionnels débloqués pour le Jubilé.
Depuis sa création, le Monument à Victor-Emmanuel II, chef-d’œuvre kitsch de la capitale italienne, a généré une vaste littérature d’insultes et de provocations. En 1913, Giovanni Papini l’avait qualifié d’“énorme pissotière de luxe” ; tout récemment encore, Bruno Zevi a proposé de démonter le Vittoriano et de le vendre en pièces détachées aux Arabes. En 1880 et 1882, le gouvernement du royaume avait lancé deux concours pour édifier un monument grandiose à l’artisan de l’unité et de l’indépendance de la nation, alors récemment disparu. Le gagnant du concours, Giuseppe Sacconi, a consacré toute sa vie à ce monument complexe, achevé seulement en 1911 – six ans après sa mort –. En 1921, la dépouille du Soldat Inconnu a été ensevelie sous l’Autel de la Patrie, en mémoire de tous les morts anonymes de la Première Guerre mondiale. Au XXe siècle, le régime fasciste a utilisé le Vittoriano comme décor pour nombre de ses parades. Fermé au public en 1969, en raison de l’explosion d’une bombe, quelques heures avant le massacre de la piazza Fontana, le monument, fragile depuis l’origine, n’a cessé de se dégrader.
Au cours des dernières années, la surintendance aux Biens architecturaux avait élaboré, pour “Rome capitale”, un projet complet de restauration du monument, pour un coût global de 30 milliards de lires (102 millions de francs). Grâce aux fonds exceptionnels du Jubilé, un tiers de la somme a déjà été débloqué, qui permettra la réalisation d’une première tranche des travaux. Les deux points essentiels portent sur un contrôle d’ensemble de l’édifice et sa réouverture au public.
Le contrôle fournira un bilan aussi urgent que nécessaire pour intervenir sur la structure. Depuis sa construction, le monument est affecté de graves problèmes statiques, jamais vraiment résolus, qui ont obligé Giuseppe Sacconi à modifier plusieurs fois son projet. La colline sur laquelle le Vittoriano a été édifié, masse de tuf percée de galeries, était à ce point instable qu’en 1911, quand est apparue une fissure dans le portique, il a fallu construire un contrefort derrière le propylée de gauche afin d’éviter les effondrements. Avec le temps, les infiltrations d’eau ont causé d’autres lésions. Les données recueillies lors du contrôle permettront de procéder aux interventions, prévues en partie pour l’an 2000.
Un dallage disloqué
Pour la réouverture au public – le monument a été conçu comme une promenade, donnant une vue d’ensemble sur la capitale –, il faut revoir l’ensemble du parcours. La réfection affectera la totalité du dallage des niveaux et des escaliers, partiellement disloqués et infestés de lichens, et s’accompagnera d’une imperméabilisation contre la pénétration verticale des eaux. Pour les programmes d’animation, l’idée est d’organiser des concerts de musique classique et des spectacles de théâtre sur la grande terrasse du Bollettino, environ 2 000 m2 au pied du portique, déjà restaurés.
L’intervention de conservation affectera le portique, les mosaïques du propylée de droite, les deux quadriges couronnant le monument, la statue équestre de Victor-Emmanuel, les Victoires ailées et les colonnes qui les soutiennent, ainsi que le grand bas-relief d’Angelo Zanelli décorant l’Autel de la Patrie.
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Le Vittoriano
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°60 du 9 mai 1998, avec le titre suivant : Le Vittoriano