Plusieurs artistes et héritiers d’artistes s’opposent dans une tribune publiée dans le JdA à la vente Renault chez Christie’s.
Depuis sa création en 1967, la collection Renault rassemble des œuvres de grands artistes du XXᵉ siècle acquises par l’entreprise. Mais celle-ci risque d’être dilapidée lors d’une vente chez Christie’s, le 6 juin, soutiennent des artistes et des ayants droit dans le texte ci-dessous.
Nous, artistes et ayants droit d’artistes dont les œuvres relèvent de la collection de Renault, nous opposons catégoriquement à la dispersion d’une importante partie de cette collection, prévue chez Christie’s, le 6 juin 2024.
Ces œuvres ont été acquises par l’entreprise publique, dans le cadre de la première politique de mécénat industriel en France, inaugurée en 1967 avec la création du service « Recherche art et industrie », aux fins de rapprocher les deux univers si étanches de l’industrie et de l’art contemporain. Ont ainsi été assemblés les plus grands artistes français et étrangers de l’époque.
Ces œuvres devaient être mises à la disposition du personnel, dans les bureaux, les parties communes du siège et ses salles à manger, ou être prêtées à des institutions publiques pour être montrées au grand public lors d’expositions.
L’esprit de ce mécénat était de constituer une collection indissociable, qui ne devait en aucun cas être revendue. C’est fort de cet engagement que les artistes ont contribué à ce projet novateur.
Un tour de passe-passe
En 1986, la Régie a cessé cette politique. Raison de plus pour préserver ce qui reste et constitue un fleuron du patrimoine français. De quoi parlons-nous ? La vente comporte soixante-trois lots ; elle céderait des peintres américains majeurs, peu présents dans les collections françaises, comme Sam Francis et Robert Rauschenberg ; elle disperserait des artistes français de premier plan (Jean Fautrier, Niki de Saint Phalle, Victor Vasarely…) ; elle éclaterait un ensemble de superbes œuvres sur papier d’Henri Michaux.
Nous considérons que Renault trahirait totalement son engagement envers les artistes si elle réalisait cette vente. Prétendre vendre pour acheter du street art – c’est le projet de Renault – nous semble un tour de passe-passe inacceptable, qui mettrait à mal le concept même de mécénat industriel. Il faut arrêter cette dilapidation, et donc empêcher cette vente.
Si Renault veut vraiment agir en mécène, respecter l’esprit de sa collection et les artistes qui y ont participé, la solution est simple : elle peut confier ces œuvres à des musées français, qui pourront les accueillir et les exposer au plus grand public. Nous appelons les pouvoirs publics à intervenir.
Signataires :
Dominique et Pierre Bollinger, succession Jean Degottex ; Pierre Buraglio, artiste ; Bloum Cardenas, titulaire du droit moral de Niki de Saint Phalle, titulaire du droit moral de Jean Tinguely, administratrice de la Niki Charitable Art Foundation, présidente du Giardino dei Tarocchi ; Zsuzsanna, Daniel, Jérôme, Marc et Pierre Hantaï, succession Simon Hantaï ; Julio Le Parc, artiste ; Ramuntcho Matta, succession Roberto Matta ; Jean Pierre Raynaud, artiste ; Margit Rowell, succession Georges Noël ; Isabelle, Anne, Florence et Christophe Soto, succession Jesus-Rafael Soto ; Elodie Télémaque, succession Hervé Télémaque ; Claude Viallat, artiste.
La collection Renault, un temps d'avance (33 lots)
Vente le 6 juin à 17h chez Christie's
Henri Michaux dans la Collection Renault (30 lots)
Vente en ligne du 30 mai au 7 juin 2024