Ventes aux enchères

Collection Renault : en pleines turbulences

Par Anne-Cécile Sanchez · L'ŒIL

Le 25 juin 2024 - 500 mots

La vente de la collection constituée dans les années 1970 a rapporté un peu de moins de 10,5 millions d’euros sur fond de contestations.

Les prix se sont envolés bien au-delà des estimations pour plusieurs lots de la vente du 6 juin dernier chez Christie’s, à Paris, où étaient mises à l’encan une trentaine d’œuvres de la collection Renault. Près de 1,4 million d’euros pour le tableau Paysage avec villa et personnage de Jean Dubuffet, 831 600 euros pour la toile 1-800 (Salvage) de Robert Rauschenberg, 403 200 euros pour la sculpture EOS XII de Jean Tinguely et 567 000 euros pour celle de Niki de Saint Phalle, The White Goddess… Soit au total, un peu moins de 10,5 millions d’euros. La mauvaise publicité faite à cette opération n’a donc pas dissuadé les acquéreurs. Les jours précédents, plusieurs personnalités du monde de la politique et de la culture, ainsi que de nombreux ayants droit des artistes, s’étaient pourtant mobilisés contre cette vente aux enchères qui semble en contradiction avec l’esprit qui avait prévalu à la constitution de la collection. En 1967, Claude Renard, un cadre supérieur de la firme automobile féru d’art et proche d’André Malraux, fort du soutien du PDG de Renault, Pierre Dreyfus, avait créé au sein de la Régie publique un service de mécénat intitulé « Recherches, art et industrie ». Comme le rappelait justement le catalogue de Christie’s : « Il s’agissait de véritablement faire entrer l’art et les artistes dans l’entreprise ». Les syndicats (SUD Renault-Ampere et CGT) ont soutenu par écrit la démarche de Delphine Renard (fille de Claude Renard) dénonçant la vente et demandant à Renault d’y renoncer.

Des œuvres inaliénables ?

De nombreux indices laissent penser par ailleurs que les artistes et les galeristes sollicités à travers des commandes spéciales ou des acquisitions consentirent des tarifs préférentiels, puisque les œuvres n’avaient pas vocation à être revendues. Ainsi, une lettre manuscrite de Simon Hantaï, datée de 1992, ne laisse aucun doute à ce sujet, évoquant « des œuvres autrefois cédées à la Régie Renault sous la condition de leur inaliénabilité ».À la fin des années 1970, l’entreprise déménagea, puis souhaita mettre un terme à ses achats d’art. Les œuvres d’artistes majeurs, certaines monumentales, furent reléguées. Une partie d’entre elles, déposée au sein d’une nouvelle association, l’Incitation à la création, fut même dérobée par le promoteur immobilier et mécène Jean Hamon. Ce scandale fut passé sous silence et certains témoins de l’époque, parmi lesquels François Barré (alors délégué aux Arts plastiques au ministère de la Culture), regrettent que cette collection constituée par une entreprise publique n’ait pas été confiée à un musée pour y être correctement conservée et exposée. Le groupe Renault affirme aujourd’hui que le produit de la vente chez Christie’s abondera un Fonds de dotation pour l’art et la culture (auquel seront aussi apportées les quelque 250 œuvres restantes et les photographies signées Robert Doisneau, Robert Franck et Marc Riboud). Ce fonds nouvellement créé a pour ambition, précise-t-on chez Renault, « de constituer une collection unique de street art ».

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°777 du 1 juillet 2024, avec le titre suivant : Collection Renault : en pleines turbulences

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque