La députée Aurore Bergé recommande, dans son rapport, soixante propositions pour émanciper les citoyens par l’art et la culture.
Un rapport de plus sur la démocratisation culturelle ? Celui de mars 2017, par exemple, produit par l’Inspection générale des affaires culturelles n’avait pas eu beaucoup d’échos ; il est vrai qu’il présentait une situation plutôt encourageante. Celui-ci a un peu plus de chances d’être suivi d’effets, car il s’inscrit dans l’Acte II du Gouvernement, après le sentiment d’abandon d’une partie de la population, qui s’est exprimé dans les manifestations des « gilets jaunes ». Et même si leurs revendications et le grand débat qui s’en est suivi n’ont pas expressément demandé plus de culture, le gouvernement pense qu’un meilleur accès à la culture pour ceux qui en sont privés ou ne s’y intéressent pas est un levier d’épanouissement personnel et donc un facteur de cohésion sociale.
Il est ainsi fort probable qu’une bonne partie des soixante recommandations de la députée Aurore Bergé (LRM), à qui Édouard Philippe a commandé le rapport et qui en a pris connaissance avant remise officielle, soient reprises par le gouvernement. Elles ont d’autant plus de chances d’être considérées qu’elles sont souvent symboliques, pratiques, peu coûteuses et parfois suffisamment floues dans leur formulation pour laisser les mains libres à l’exécutif.
Dans le registre symbolique, la députée veut inscrire les droits culturels dans la Constitution. Elle reprend aussi la notion de « santé culturelle » et propose d’insérer des conseils en ce sens dans les carnets de santé. Elle voudrait que l’on remette à tous les élèves de CM1 « un passeport culturel » recensant les fondamentaux de l’éducation artistique et culturelle. Enfin, un grand classique, elle propose une journée nationale, celle-ci étant consacrée aux activités hors les murs (arts de la rue).
Le livre occupe une grande place dans le rapport. Aurore Bergé recommande d’installer des « malles à lire » dans tous les lieux d’accueil de la petite enfance et d’augmenter les crédits des contrats territoires-lecture entre l’État et les collectivités locales, permettant par exemple de financer un bus de lecture dans un département. Plus prodigue, elle veut créer des bibliothèques dans les 347 communes prioritaires du plan Ville qui en sont dépourvues.
La prise en compte des territoires (par opposition à Paris), terreau de la contestation de l’an dernier, traverse évidemment toutes les recommandations. De nombreuses initiatives, particulièrement dans les réseaux d’éducation populaire, s’y déploient, ce qui fait dire à la député « qu’il n’y a pas de zones blanches culturelles » (voir ci-dessous). Au passage, elle ignore superbement le programme « Culture près de chez vous » de l’ex-ministre Françoise Nyssen. Il convient d’établir une cartographie de ces initiatives et de dégager des financements supplémentaires. Elle suggère de sortir les dépenses culturelles des villes des « contrats de Cahors », ces contrats qui lient un effort de l’État en contrepartie d’une augmentation des budgets limitée à 1,2 % ; et de réserver 5 % à la culture dans les budgets des opérations de rénovation urbaine. Enfin, elle recommande que les Drac mènent des actions géographiques plutôt que sectorielles et qu’elles animent des conseils locaux des territoires pour la culture – à créer.
Un sort particulier est fait à l’éducation artistique et culturelle (ÉAC), en prenant en compte la difficulté de faire travailler ensemble les deux ministères concernés. Il est demandé de désigner un référent ÉAC dans les établissements, ainsi que dans les Drac, afin de faciliter l’organisation des actions.
Aurore Bergé n’oublie pas les publics handicapés, les malades dans les hôpitaux ou les pensionnaires des maisons de retraite avec des actions spécifiques, comme elle capitalise sur ses propositions de 2018 « pour une nouvelle régulation de l’audiovisuel » pour proposer un renforcement de la culture à la télévision.
Si la plupart des propositions ne peuvent que susciter l’agrément des acteurs concernés, il en est une qui devrait en ravir certains et en mécontenter d’autres : celle d’ouvrir le dispositif Aillagon pour le mécénat au spectacle vivant. Les musées risquent de faire grise mine face à cette nouvelle concurrence.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Refonder les pratiques culturelles après la crise des « gilets jaunes »
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°540 du 28 février 2020, avec le titre suivant : Refonder les pratiques culturelles après la crise des « gilets jaunes »