Le ministère de la Culture a défendu lundi le « caractère exceptionnel » de l'oeuvre de Le Corbusier en laissant aux historiens « le débat légitime » sur ses complicités avec Vichy, alors qu'un groupe d'intellectuels demande l'arrêt de tout soutien public à son oeuvre.
Sur le site du Monde, neuf signataires d'une tribune ont demandé la semaine dernière au ministre Franck Riester de cesser de soutenir l'oeuvre de l'architecte français d'origine suisse (1887-1965), l'un des représentants du mouvement moderne avec Ludwig Mies van der Rohe ou Alvar Aalto. Une oeuvre classée au patrimoine de l'Unesco.
La tribune, signée notamment par le cinéaste Jean-Louis Comolli, accuse le ministère de "se faire le complice de l'entreprise de réhabilitation d'un homme qui s'est réjoui de la défaite française de juin 1940 avant de se faire recruter par le régime collaborationniste du maréchal Pétain". Au coeur de la polémique, un projet de musée Le Corbusier, prévu à Poissy (Yvelines), porté, selon le ministère, "par les collectivités locales".
"Le ministère n'a à se prononcer ni sur le degré de fascination de Le Corbusier pour le totalitarisme ni sur l'ampleur de son engagement en faveur du régime de Vichy", a-t-il réagi dans une déclaration à l'AFP. "Ce débat légitime appartient aux historiens". Mais le ministère "assume pleinement le fait que l'oeuvre architecturale de Le Corbusier présente un caractère exceptionnel". La France, rappelle-t-il, a soutenu, avec six autres pays, son inscription au patrimoine mondial, obtenue en 2016, alors même que ces accusations révélées par plusieurs livres avaient déjà fait polémique en 2015.
Interrogé par l'AFP, Xavier de Jarcy, auteur de "Le Corbusier, un fascisme français" (Albin Michel), et l'un des initiateurs de la tribune, rappelle que de nombreux documents prouvent largement ses sympathies fascistes dès l'entre-deux guerres, même si en 1945 il prétendra se rapprocher du parti communiste. "Ses idées sur l'urbanisme, son projet social sont vraiment du fascisme. Il veut faire table rase des vieux quartiers, centraliser le pouvoir dans les tours, et repousser les ouvriers dans la périphérie", affirme M. de Jarcy.
Michel Guerrin, rédacteur en chef au Monde, critique cette tribune : "Ils auraient pu demander que nos écoles d'architecture, financées par l'Etat, suppriment l'artiste des enseignements, que ses bâtiments soient fermés à la visite, que les plaques à son nom soient retirées, et que ses oeuvres soient expulsées des musées", écrivait-il dans une chronique parue vendredi. Selon lui, "Le Corbusier a voulu travailler pour Philippe Pétain et Benito Mussolini. Oui, mais aussi pour Léon Blum, en 1936. Il écrit des mots louangeurs sur Adolf Hitler, mais aussi d'autres de mépris sur l'Allemagne nazie. Et qu'il était proche de résistants et de militants communistes".
Cet article a été publié par l'AFP le 8 avril 2019.
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Polémique sur Le Corbusier vichyste : le ministère défend une oeuvre « exceptionnelle »
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