Le designer est décédé le 13 juin à Montpellier. Remis récemment sur le devant de la scène, il avait connu son heure de gloire dans les années 1970.
Figure incontournable du design français, Pierre Paulin est mort le samedi 13 juin à Montpellier (Hérault), à l’âge de 81 ans. Designer vedette des années 1960 et 1970, il était récemment revenu sur le devant de la scène à la faveur de quelques expositions, mais cette reconnaissance tardive, aussi concentrée que soudaine, le dépassait quelque peu et n’a pas suffi à effacer sa réelle amertume. Pierre Paulin s’était, en outre, remis à la planche à dessin pour deux fabricants notoires, Magis, en Italie, et Roset, en France ; plusieurs pièces destinées au grand public ont été montrées à Paris en janvier, avant Milan en avril.
D’aucuns le disaient suffisant, voire méprisant. C’était mal connaître ce créateur solitaire et intuitif au caractère trempé, lequel se révélait, en réalité, d’une timidité maladive. Seule une rencontre sur ses terres à Saint-Roman-de-Codières (Gard), petit village des Cévennes où il résidait depuis 1995, pouvait en venir à bout. Paulin s’ouvrait alors, tel ce paysage splendide qui s’étire à travers les fenêtres de sa maison plantée au pied du mont Aigoual. L’homme faisait montre d’un flegme non dénué d’ironie : « On nous appelle “créateurs’’, mais, pour être franc, personne ne crée. Au mieux, on met des techniques en commun ». Ajoutant, philosophe : « L’esthétique est la conséquence de la technique et non l’inverse. On découvre peut-être, mais on ne crée rien, on ne crée jamais. »
Le style Paulin
Pierre Paulin est né le 9 juillet 1927, à Paris, d’un père français, chirurgien-dentiste, et d’une mère suisse-allemande qui lui inculque l’ordre et la discipline. Dès l’enfance, il flirte avec le design grâce à son oncle, Georges Paulin, styliste automobile. Ce dernier, qui est notamment l’auteur de la Bentley Streamline, est un inventeur hors pair : il a conçu le fameux toit articulé et escamotable dans le coffre, système qui sera ensuite développé dans toutes les voitures décapotables. Avant d’opter définitivement pour le design, le neveu s’essaye à la terre glaise chez un potier de Vallauris, sculpte la pierre chez un tailleur en Bourgogne avant de s’inscrire, en 1951, à l’École Camondo, à Paris, où ses camarades ne sont autres que Michel Mortier ou Pierre Guariche. Paulin y cultive un esprit plutôt fonctionnaliste et se passionne pour le design scandinave. Dans une vieille KubelWagen, ancêtre de la Jeep américaine, il fait un périple vers le cap Nord ; découvre, en Suède, « la modernité des meubles et objets », et, en Finlande, « l’œuvre d’un moderniste organique », Alvar Aalto. « Ce fut un énorme choc pour moi, racontait Pierre Paulin. D’un côté, je voyais les nombreuses traces de la guerre qui persistaient encore, et de l’autre, je découvrais des objets simples comme les Nordiques savaient les faire depuis les années 1930. »
De retour en France, Paulin mêle ce vécu à une culture plus livresque : celle des revues de décoration américaines, lesquelles affichent les designers Charles Eames, George Nelson, Harry Bertoia ou Alexander Girard, et le résultat de leurs collaborations avec les grands éditeurs du moment (Herman Miller, Knoll Associates…). Paulin est définitivement paré. En 1953, il expose ses premiers meubles au Salon des arts ménagers, à Paris. Succès immédiat ! Il entame alors une collaboration avec Thonet France, puis, dès la fin des années 1950, avec la firme de mobilier néerlandaise Artifort. Pour cette dernière, il met au point un mobilier original constitué de trois éléments : une structure en métal, un remplissage en mousse de latex et un habillage en jersey élastique et coloré. Le style Paulin est né. Les formes sont rigoureuses mais organiques, fonctionnalistes mais voluptueuses. Ses assises ressemblent à un champignon (le fauteuil Mushroom) ou à une fleur (le fauteuil Tulip), à un ruban (le siège Ribbon) ou à une langue (fauteuil Langue). Les nuances détonnent et, en matière de couleur, il trouve son maître, le designer danois Verner Panton, son « frère d’armes ». « Panton y a été très fort et moi j’ai été un peu suiveur dans cet enthousiasme pour la polychromie », avoue Paulin. Les pièces du Français deviendront elles aussi mythiques.
Dès la fin des années 1960, l’État fait appel à lui afin de « moderniser » ses décors officiels. Paulin entame alors une collaboration suivie avec le Mobilier national, œuvrant au réaménagement intérieur du Musée du Louvre, puis acquiert en 1972 une célébrité indubitable en réaménageant, pour Georges Pompidou, les appartements privés de l’Élysée. Fort de ces réalisations emblématiques, il fonde en 1975 une agence de design, ADSA, qui œuvre en particulier pour l’industrie : Calor, Allibert, Villeroy & Boch, Sommer, Thomson, Citroën… L’aventure durera vingt ans, avant qu’il ne se retire, en 1995. Pierre Paulin n’avait qu’un regret : « Ne pas avoir été un artiste. »
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Pierre Paulin s’éteint
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°306 du 26 juin 2009, avec le titre suivant : Pierre Paulin s’éteint