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ENTRETIEN

Paul-Emmanuel Reiffers : « L’enjeu est maintenant de devenir une destination pour le grand public »

Président du groupe de communication Mazarine

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 24 avril 2024 - 1040 mots

L’entrepreneur Paul-Emmanuel Reiffers a créé un fonds de dotation qui soutient la jeune création à travers un programme de mentorat, un prix et des expositions.

Le fondateur et président du groupe de communication Mazarine, dont il a récemment repris le contrôle majoritaire, a créé en 2021 un fonds de dotation pour soutenir la jeune création contemporaine. Il dresse un premier bilan.

Quelle est la différence entre l’artiste « mentoré » et l’artiste lauréat du prix Reiffers Art Initiatives ?

Paul-Emmanuel Reiffers : Reiffers Art initiatives organise deux expositions majeures chaque année. La première a lieu au printemps, il s’agit du prix Reiffers Art Initiatives, une exposition collective de jeunes talents sélectionnés par notre comité qui décerne un prix à l’un d’entre eux. Il consiste en une bourse et l’achat d’une œuvre pour la collection de notre fonds. La seconde est organisée dans le cadre du programme de mentorat : un artiste est choisi par un artiste mentor et, ensemble, ils vont concevoir une exposition à quatre mains. Chaque exposition donne lieu à l’acquisition d’une pièce et à l’édition d’un catalogue.

Quel temps passe le mentor avec le « mentoré » ?

P-E.R. : Il n’y a pas de règles, que des cas particuliers, parce que tout dépend de l’emploi du temps du mentor, de sa personnalité et de la façon dont il veut fonctionner, sachant qu’il est bénévole. Ainsi pour le mentorat de Gaëlle Choisne, elle est allée aux États-Unis rencontrer son mentor Lorna Simpson, une artiste américaine majeure qui a passé beaucoup de temps avec elle pour réfléchir à l’exposition. Le prochain mentor, Ugo Rondinone, a depuis longtemps un projet d’exposition en tête et étudie actuellement la liste des artistes que nous lui avons soumise. Cela prend aussi du temps car les œuvres sont produites pour l’exposition. J’aime bien utiliser cette métaphore tennistique : notre programme, c’est comme faire jouer un jeune joueur prometteur avec Novak Djokovic sur le central de Roland-Garros. Cela apporte une visibilité formidable au mentoré !

Justement, quel bilan de visibilité faites-vous pour les deux programmes ?

P-E.R. : Le point fort du fonds est de s’appuyer sur mon groupe de communication Mazarine qui excelle dans la capacité de scénographier des expositions, produire des catalogues et organiser des vernissages avec, à chaque fois plus, de mille personnes. De sorte que les artistes, mentorés et lauréats, bénéficient d’une très forte visibilité que l’on peut mesurer par la suite de leur carrière. C’est Ser Serpas qui a été exposée à la Bourse de commerce à la suite de notre programme, Alexandre Diop à la Collection Rubbel de Miami, ou Pol Taburet à la Fondation Lafayette Anticipations…

Et pour la crédibilité ?

P-E.R. : Cela va avec ! Notre comité artistique s’enrichit chaque année de personnalités importantes, qui viennent à toutes les réunions de sélection. Des artistes reconnus nous sollicitent pour être des mentors. Nous avons beaucoup gagné en légitimité dans le monde de l’art. Maintenant, l’enjeu est de devenir une destination pour le grand public. Nous avons acquis un deuxième espace en face du Studio des Acacias (17e arr., Paris) et nous allons organiser trois expositions par an dans les deux espaces dont une exposition de photographies. Ce deuxième espace sera ouvert toute l’année et les jeunes artistes auront la possibilité d’y vendre leurs œuvres.

C’est donc une nouvelle activité commerciale ?

P-E.R. : Oui, d’une certaine façon, mais les recettes que nous allons en retirer sont marginales par rapport à nos coûts ; elles seront par ailleurs entièrement reversées dans le fonds de dotation, pour alimenter nos programmes de soutien aux jeunes artistes. C’est avant tout une aide pour les artistes.

Le rachat de la Galerie Perrotin par un fonds d’investissement ne vous a pas donné envie d’investir directement dans une galerie ?

P-E.R. : [Sourire] Nous l’avons évoqué avec Emmanuel Perrotin, mais à l’époque ce n’était pas dans mon agenda.

Les acheteurs publics et privés peuvent-ils « absorber » tous ces nouveaux talents qui émergent chaque année et qui s’ajoutent à ceux des années précédentes ?

P-E.R. : Je pense que oui et c’est pour cela que nous mettons en place ces programmes pour mettre en avant la richesse de la scène française. Prenez Pol Taburet, le premier lauréat du prix, les acheteurs sont sur des listes d’attente. Mais est-ce que tous les artistes promus seront actifs dans cinq ou dix ans ? Personne n’en sait rien. Pour autant, si nous soutenons les jeunes talents, nous ne faisons pas de jeunisme, les artistes que nous exposons, notamment pour notre nouvelle exposition, ont autour, voire plus, de 30 ans.

Il y a beaucoup de prix d’art contemporain en France et dans le monde, la plupart avec une faible notoriété. Où vous situez-vous ?

P-E.R. : Je ne me pose pas trop cette question. On fait quelque chose qui nous passionne, on y croit, on a envie de soutenir des jeunes, on leur décerne un prix, on les aide à produire, on leur offre un lieu d’exposition, et on leur donne de la visibilité pour faire venir le public. Notez que tous les autres prix n’ont pas forcément de lieu d’exposition, ou alors dans les bureaux, des annexes, des halls d’immeuble. C’est dans le temps qu’on mesurera notre travail.

De quoi se compose le budget annuel du fonds qui est de 500 000 € ?

P-E.R. : Mazarine apporte environ 150 000 euros en argent et le reste sous forme de contribution en nature : collaborateurs, organisation des événements, mise à disposition des espaces, la production des catalogues…

Comment se porte votre groupe Mazarine ?

P-E.R. : Notre chiffre d’affaires a bondi de 150 millions d’euros avant le Covid à 200 millions d’euros aujourd’hui, grâce à nos activités aux États-Unis et en Asie. Nous employons plus de 400 personnes. Nous sommes devenus une marque que nous voulons globale. La synergie entre Mazarine et le fonds de dotation est essentielle.

Allez-vous constituer une collection ?

P-E.R. : La collection du fonds de dotation est constituée d’œuvres « muséales » produites pour les expositions, qui prennent difficilement place dans des intérieurs domestiques. Nous avons ainsi une installation de Bianca Bondi, une de nos artistes exposée en 2023. C’est très intéressant pour un fonds comme le nôtre d’acquérir des œuvres qui sortent de l’ordinaire, qui ont un impact auprès du public et que nous pourrons prêter à des institutions culturelles.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°632 du 26 avril 2024, avec le titre suivant : Paul-Emmanuel Reiffers, président du groupe de communication Mazarine : « L’enjeu est maintenant de devenir une destination pour le grand public »

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