Le lauréat 2022 du programme de mentorat mis en place par Reiffers Art Initiatives s’appelle Alexandre Diop.
Il a 27 ans et vit entre Paris et Berlin. Enfant d’une diaspora cosmopolite et aisée, il est né d’un père sénégalais et d’une mère française. Il a vécu à Paris, à Dakar, en Italie… et a voyagé dans plus d’une vingtaine de pays. Depuis deux ans, Alexandre Diop est inscrit à l’Académie des beaux-arts de Vienne, mais il se considère moins comme un étudiant – « L’école permet surtout de se forger un réseau, c’est indispensable dans un monde de l’art ultra-compétitif », explique-t-il avec pragmatisme – que comme « un artiste mature ».
Une série de ses œuvres était exposée jusqu’au 19 novembre 2022 au Studio des Acacias, à Paris. Il a rencontré pendant l’été son mentor, Kehinde Wiley – star de l’art contemporain, connu notamment pour avoir réalisé le portrait de Barak Obama, en 2018 – qui l’a choisi parmi une sélection d’artistes émergents. Ils ont déjeuné ensemble et discuté des sujets qui leur tiennent à cœur : leur culture de métis, leur relation à l’Afrique, les problèmes raciaux et sociétaux. « Nous avons beaucoup en commun. Mais Kehinde a développé une peinture ultraréaliste en lien avec les canons de l’art occidental. Ma démarche est davantage ancrée dans une histoire ancestrale », remarque le jeune homme, nullement intimidé par cette rencontre. À contre-courant de toute tentation décorative, ses « images-objets », tantôt figuratives tantôt abstraites, sont constituées d’un assemblage de rebuts qu’il collecte dans les rues et les faubourgs des villes où il séjourne. « Le travail commence avec un cutter et un sac à dos. C’est une marche laborieuse qui me conduit dans des zones délaissées, où vivent souvent les plus démunis, presque un chemin de croix », dit-il. Lambeaux de canapé, canettes rouillées, vieux papiers, tissus, pièces détachées… il ramène ses trouvailles dans son atelier et élabore ses tableaux, à mi-chemin entre peinture et sculpture, sur des planches en bois qui lui tiennent lieu de toiles, où il cloue et agrafe les débris qui s’y amalgament. Le résultat est à la fois chargé et naïf, non dépourvu d’une certaine force visuelle. On pense à Egon Schiele pour l’expressionisme douloureux, à Basquiat pour la gaucherie affirmée et la référence, culte, à l’art brut. « J’ai beaucoup regardé Otto Dix, Bernard Buffet, aussi », glisse-t-il.
À rebours d’une époque avec laquelle il est cependant totalement en prise, via le rap et la musique électronique, Alexandre Diop évite de galvauder ses œuvres sur les réseaux sociaux. Sa singularité lui a donné l’idée d’un collectif, Le Mouton Noir, regroupant des artistes, des intellectuels, des marginaux… qui pourrait, un jour, s’incarner dans un lieu. « L’art a cette capacité physique à rassembler », estime-t-il. En décembre, après une résidence dans leur fondation, il aura une exposition personnelle dans le musée fondé à Miami par les Rubell. C’est son manager, Amir Shariat, dont le carnet d’adresses vaut de l’or, qui l’a introduit auprès du très influent couple de collectionneurs américains. Alexandre Diop montrera des œuvres monumentales, « de huit mètres de long ». Il est du genre à voir les choses en grand. « J’ai toujours voulu faire quelque chose de ma vie », confie-t-il. Une aspiration légitime.
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Alexandre Diop
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°760 du 1 décembre 2022, avec le titre suivant : Alexandre Diop