Le Salon du dessin ouvre ses portes pour la dixième année à Paris dans les salons Hoche, du 21 au 26 mars. Parallèlement à cet événement international se tiennent, les 23 et 27 mars à Drouot, chez PIASA et Tajan, d’importantes ventes d’aquarelles, de sanguines, fusains et dessins à l’encre ou au crayon. Une dizaine de galeries parisiennes entrent dans la danse en organisant dans leurs murs des expositions thématiques.
Le Salon du dessin souffle cette année ses dix bougies. Une fierté pour les dix marchands parisiens à l’origine de ce rendez-vous annuel qui se tient depuis sa création dans les salons Hoche. Les galeries envisagent aujourd’hui sérieusement de délaisser cette adresse dès qu’ils seront parvenus “à trouver un lieu plus agréable sur un seul niveau”, selon les mots de Bertrand Gautier. Au départ très parisien, le salon se partage aujourd’hui équitablement entre exposants français et étrangers. Le programme de la Semaine du dessin s’est encore enrichi avec l’ouverture au public d’un plus grand nombre de cabinets des dessins de musées. Une initiative qui satisfait grandement les collectionneurs, déjà attirés par la qualité du salon et sa réputation mondiale désormais acquise.
Les œuvres des XVIIe et XVIIIe siècles demeurent un des points forts du salon. “C’est le dessin français que l’on vient chercher à Paris”, précise Jean-François Baroni qui présente notamment une Tête de jeune homme à la sanguine de Greuze.
La Vestale du même artiste, aux encres noires et brunes, est exposée chez Didier Aaron.
Au programme, deux sanguines classiques d’Hubert Robert, présentées chez Éric Coatalem, et à la galerie de La Scala, une aquarelle chez Thomas Le Claire, de Hambourg, et Une statue tombée à la pierre noire à la galerie londonienne Flavia Ormond. Notons au passage une Femme assise vue de dos d’après Bassano par Watteau chez Paul Prouté.
À remarquer également quelques œuvres plus anciennes dont un Moine agenouillé devant un roi sur son trône signé Gregorio Pagani (1558-1605), ou un très beau dessin à la pointe d’argent sur papier préparé bleu, par Giovanni Ambrogio de Predis (1455-1506), chez Trinity Fine Art de Londres. Mais les acheteurs se tournent de plus en plus vers des œuvres plus récentes. “Au fur et à mesure que les générations se renouvellent, les goûts évoluent. Il existe un phénomène naturel de glissement, du XVIIIe siècle vers le XIXe, puis vers le dessin moderne”, confirme François Lorenceau qui montre des dessins signés Valmier, Zoran Music ou Hélion. “Nous avons la volonté d’élargir le salon au dessin moderne, soutient Marie-Christine Carlioz, de la galerie de La Scala. Pour cela, il nous faut trouver un lieu plus grand et s’assurer de pouvoir s’y installer pendant plusieurs années.” Le salon ne devrait cependant pas dépasser le seuil des trente stands, dont quatre à cinq pourraient être réservés à des ténors du dessin moderne. En attendant, les amateurs visiteront le stand de la galerie Berès consacré essentiellement à la Belle Époque : des pastels et aquarelles représentant des jeunes femmes à la mode et de vraies élégantes par Truchet, Willette, Forain, Somm ou Villon sont exposés à côté de quelques feuilles modernes de Léger, Picasso ou Nolde, non loin d’un fusain de Kupka, et d’un dessin à la plume de Grasset – un important artiste Art nouveau –, sélectionnés par Antoine Laurentin. Ces feuilles se négocient entre 50 000 et 100 000 francs. Les plus anciennes, de haute qualité et en excellent état de conservation, étant de plus en plus difficiles à trouver, les prix peuvent monter à plusieurs millions de francs. Mais nombreuses sont les pièces à 20 000, 30 000 ou 40 000 francs : pour cette somme, on peut repartir avec une belle aquarelle du XIXe siècle.
Les organisateurs du salon ne pouvant pour l’instant accueillir que 25 stands, certains antiquaires se sont repliés dans leur galerie et y organisent des expositions (voir les détails p. 15). “Il n’est pas rare que l’amateur de dessins vienne après le salon dans les galeries, qui restent un lieu intime privilégié pour les transactions”, reconnaît Marie-Christine Carlioz. Les marchands du quartier Drouot se sont aussi mobilisés. Aux alentours du temple des enchères, ils ouvrent leur galerie aux collectionneurs.
Di Credi et Salviati au sommet
À cette période, il est devenu une tradition que certaines études accompagnent le Salon du dessin de quelques vacations importantes. Celle de PIASA a réalisé, l’an passé, près de 30 millions de francs de produit lors d’une vente où les artistes du XIXe siècle étaient à l’honneur. Deux Géricault, un paysage de Corot, un lavis de Delacroix et un portrait par Degas ont tous largement dépassé le million de francs, la vedette revenant à un sous-main de Gauguin, composé de deux aquarelles gouachées, parti à 9,4 millions de francs – un record. Cette année, le cru est moins exceptionnel, mais il reste de grande qualité.
Le 23 mars à Drouot, si quelques pièces XIXe siècle attireront l’attention – comme deux petites œuvres de Géricault estimées autour de 70 000 francs, un portrait par Papety réalisé dans la veine d’Ingres, estimé 80 000 francs, une Étude de drapé au traitement assez classique par Delacroix, évaluée à 150 000 francs, ou un sujet orientaliste de Bresdin (200 000 francs) – le dessin ancien figurera assurément parmi les plus hautes enchères. Une aquarelle de Doomer (1624-1700,100 000 francs), une Minerve attribuée à Tibaldi (1527-1596), estimée 150 000 francs, un dessin de reportage à l’esprit humaniste de Gabriel de Saint-Aubin (1724-1780, estimé 400 000 francs) susciteront très certainement la convoitise. Mais la pièce phare de cette vente (2 à 3 millions de francs) est une Figure couronnée de laurier attribué à Lorenzo di Credi. “Actif entre 1480 et 1520, il fut l’élève de Verrocchio et condisciple de Léonard de Vinci dont il a beaucoup appris, précise l’expert Patrick de Bayser. C’est un chef-d’œuvre de la grande Renaissance florentine comme on en voit dans les musées et qui reste introuvable sur le marché. De plus, son état de conservation est exceptionnel.”
Le deuxième round des enchères reprend ensuite le 27 mars à Drouot. La vente dirigée par l’étude Tajan comprend parmi les pièces anciennes, une nature morte de Van Dael estimée 150 000 francs, comme un Paysage d’Italie de Poussin, une Étude de figure au style très michelangelesque par Roncalli il Pomarancio (1552-1626) estimée 400 000 francs, et une sanguine signée Watteau proposée à 600 000 francs. Et, pour les amateurs d’Empire, un album XIXe siècle de 80 aquarelles, évoquant toutes les grandes batailles de Napoléon, a été évalué à 300 000 francs. “Il ne faut pas oublier, rappelle Patrick de Bayser, une pièce isolée dans la vente Gourgaud du 5 avril (Hôtel Four Seasons, George-V, étude Tajan), un dessin de Francesco Salviati (1510-1563).” Cette étude préparatoire de 49,5 x 23,4 cm, réalisée à la pierre noire et craie blanche sur papier gris-bleu pour les fresques de la chapelle del Pallio au palais de la Chancellerie à Rome, représente les apôtres saint Jean (au recto) et saint Marc (au verso) : “Cette feuille devrait créer l’événement. L’estimation de 300 000 francs va sans doute être pulvérisée.”
À l’occasion de la Semaine du dessin à Paris, plusieurs expositions thématiques se tiennent dans des galeries parisiennes dont certaines sont réunies autour du quartier Drouot. Petit état des lieux.
- Grands et petits maîtres des XIXe et XXe siècles, du 19 au 30 mars, galerie AB, 14 rue de la Grange-Batelière, 75009 Paris, tél. 01 45 23 41 16.
- Dernières découvertes du XVIe au XIXe siècle, du 19 au 31 mars, galerie Accart, 29 rue de Richelieu, 75001 Paris, tél. 01 40 20 90 28.
- Œuvres sur papier XIXe et XXe siècles, jusqu’au 20 avril, galerie Aittouarès, 2 rue des Beaux-Arts, 75006 Paris, tél. 01 40 51 87 46.
- Dessins du XVIe siècle jusqu’à 1900, du 19 au 31 mars, galerie Amicorum, 19 passage Verdeau, 75009 Paris, tél. 01 48 01 02 41.
- Souvenirs d’Italie, du 17 au 29 mars (seulement les samedis, dimanches et lundis), galerie Arsinopia, Marché Serpette, stand 1 bis, allée 3 sur cour, 93400 Saint-Ouen, tél. 01 40 10 21 51.
- De Bonnard à Michaux, jusqu’au 20 avril, galerie Berthet-Aittouarès, 29 rue de Seine, 75006 Paris, tél. 01 43 26 53 09.
- 1780-1880 : un siècle d’art animalier et de botanique, du 19 mars au 20 avril, galerie Alexis Bordes, 19 rue Drouot, 75009 Paris, tél. 01 47 70 43 30.
- Du style Troubadour à la Belle Époque, un siècle de dessins et peintures, du 19 mars au 20 avril, galerie Frédérick Chanoit, 12 rue Drouot, 75009 Paris, tél. 01 47 70 22 33.
- Acquisitions récentes – dessins du XVIIe au XIXe siècle, du 19 mars au 21 avril, galerie Daniel Grenier, 14 passage Véro-Dodat, 75001 Paris, tél. 01 42 33 43 30.
- Félix Philippoteaux (1815-1884), dessins orientalistes, du 19 mars au 20 avril, galerie Claude Guillemot, 55 passage Geoffroy, 75009 Paris, tél. 01 48 24 31 00.
- Dessins français anciens et du XIXe siècle, du 21 au 31 mars, galerie Jean-François Heim, 134 rue du faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris, tél. 01 53 75 06 46.
- Quatre siècles de dessins de 1515 à 1915, du 20 mars au 7 avril, galerie Jean-Marie Le Fell, 12 rue de Tournon, 75006 Paris, tél. 01 44 07 34 05.
- Dessins d’Alfred Roll (1846-1919), du 19 au 30 mars, galerie Sophie Marcellin & Denis Ozanne, 18 rue de Provence, 75009 Paris, tél. 01 48 01 02 37.
- L’air et la lumière, dessins et aquarelles de peintres paysagistes français du XIXe siècle, du 19 mars au 20 avril, galerie Laura Pécheur, 16 rue de la Grange-Batelière, 75009 Paris, tél. 01 47 70 04 38.
- Dessins du XXe siècle, du 19 au 30 mars, galerie Sabine Vazieux, 2 rue de Provence, 75009 Paris, tél. 01 48 00 91 00.
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Paris confirme sa première place mondiale sur le marché du dessin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°123 du 16 mars 2001, avec le titre suivant : Paris confirme sa première place mondiale sur le marché du dessin