Depuis trente ans, Cologne est non seulement la capitale artistique incontestée de la République fédérale d’Allemagne, mais aussi l’un des centres d’art contemporain les plus dynamiques du monde. Pourtant, depuis la chute du régime est-allemand, Berlin attire de plus en plus d’artistes et de galeries. Le lancement l’année dernière d’\"Art Forum Berlin\", foire d’art contemporain concurrente de celle de Cologne, a attisé les rivalités entre les deux villes.
La Rhénanie, riche bassin industriel à forte densité de population situé sur la rive gauche du Rhin, est dotée d’un exceptionnel réseau de musées et de galeries répartis dans le triangle Bonn-Cologne-Düsseldorf. Le prix des loyers dans ces centres urbains de taille moyenne étant raisonnable, de nombreux artistes sont venus s’y installer. L’Académie des beaux-arts de Düsseldorf est depuis longtemps une référence en matière de création et d’échanges : des artistes tels que Joseph Beuys, ou aujourd’hui les professeurs Jörg Immendorff et Markus Lüpertz ont permis l’éclosion de cet autre pôle provincial. Il y a trente ans, Cologne, véritable cœur de la région, s’est imposée tout naturellement pour accueillir la première grande foire d’art contemporain. La ville abrite le Musée Ludwig ainsi qu’une importante Kunstverein où sont présentées les nouvelles tendances contemporaines. Pour une cité d’environ 900 000 habitants, Cologne accueille également un nombre impressionnant de galeries renommées, et l’Association fédérale des galeries allemandes (BVDG) y a son siège. Pour certains, l’énorme bâtiment du “Köln Messe” (parc des expositions) qui émerge de l’autre côté du Rhin est devenu aussi emblématique de Cologne que sa cathédrale gothique. Après la chute du Mur, en 1989, lorsque la décision a été prise de refaire de Berlin la capitale politique de l’Allemagne, on se demandait si elle pourrait retrouver son rang de métropole internationale et ravir à Cologne la place de première ville artistique d’Allemagne.
La marche vers Berlin
La réunification des remarquables collections de ses musées, autrefois séparées par le Mur, et la création de nouveaux espaces destinés à l’art contemporain – tel le Hamburger Bahnhof, ouvert en novembre 1996 – laissaient déjà pressentir un renversement de l’équilibre des pouvoirs. Au cours de l’année qui a suivi la réunification, Christie’s et Sotheby’s, déjà établis ailleurs dans le pays, ont ouvert de luxueux bureaux aux extrémités opposées de la ville. De grands marchands d’art de Cologne, comme Max Hetzler, ont très vite décidé de "s’expatrier" à Berlin, et plusieurs galeries comme Schipper & Krome, y ont depuis pris leurs quartiers. Nombre de jeunes marchands continuent à s’installer à Berlin, même s’il manque encore à la capitale un potentiel de collectionneurs comparable à celui de Cologne et de ses environs. Sur la rive gauche du Rhin, personne ne voyait d’inconvénient à ce qu’une autre ville d’Allemagne devienne un centre artistique prospère, jusqu’au moment où un groupe de quatorze marchands, opérant sous le nom de "European Galleries", a décidé de monter une nouvelle foire d’art à Berlin l’an dernier. Le "European Art Forum", bien plus qu’une simple "nouvelle foire", se pose en concurrent direct d’"Art Cologne" qui, pour nombre d’observateurs, commençait à sacrifier la qualité au profit de la quantité. Plusieurs marchands allemands se sont ainsi retrouvés dans la position inconfortable d’avoir à choisir leur camp. En fin de compte, les deux foires ont rencontré un succès comparable : Art Forum Berlin a fait une entrée très remarquée dans le monde de l’art avec la participation des plus grandes galeries internationales, mais Art Cologne reste la première pour les ventes et la fréquentation (71 000 visiteurs, contre 17 000 à Berlin). La pérennité des deux foires n’est donc pas remise en cause, et l’antagonisme des débuts a fait place à une prise en compte plus objective du rôle et de la place de chacune.
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Mutation profonde ou simple querelle d’Allemands ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°46 du 24 octobre 1997, avec le titre suivant : Mutation profonde ou simple querelle d’Allemands ?