Architecture - Justice

Litige entre Jean Nouvel et la Philharmonie : si vous avez raté le début

Par Charles Roumégou · lejournaldesarts.fr

Le 27 mars 2021 - 588 mots

PARIS

Le bras de fer médiatico-judiciaire se poursuit entre le lauréat du Prix Pritzker et l’Etat via l’établissement public.

Nouveau rebondissement dans le litige financier opposant Jean Nouvel à la Philharmonie de Paris : une information judiciaire vient d’être ouverte par le Parquet national financier (PNF) pour « favoritisme, prise illégale d’intérêts, détournements de fonds publics, concussion, faux et usage de faux », après la plainte déposée en octobre 2019 par les Ateliers Jean Nouvel (AJN) contre la Philharmonie de Paris, laquelle réclame 170 millions d’euros à l’architecte dont 110 millions concernant des pénalités de retard pris par le chantier de la salle. Il s'agit là d’une nouvelle étape dans l’affrontement judiciaire que se livrent les deux parties depuis six ans maintenant.

Né en 2006, ce projet résulte de la volonté commune de l’Etat et de la Ville de Paris d’offrir à Paris une Philharmonie. Un an plus tard, Jean Nouvel, auteur du Quai Branly-Jacques Chirac et du Louvre Abou Dhabi, remporte le concours international d’architecture lancé à cette occasion. Dotés d’un budget de 173 millions d’euros, les travaux débutent en 2009 mais sont interrompus en février 2010, faute de financement de la part de l’Etat, avant de reprendre en 2011.

C'est en janvier 2015, après trois ans de retard et un budget finalement multiplié par deux (386 millions d’euros), qu’est inaugurée la prestigieuse salle symphonique, située à cheval entre le Parc de La Villette (19e arrondissement) et le boulevard périphérique. Une cérémonie boycottée par son architecte qui dénonce une ouverture prématurée au public et un chantier encore inachevé, tant sur le plan architectural que technique, tout en se dédouanant du retard accumulé et des surcoûts budgétaires.

En février 2015, un mois à peine après l’inauguration, Jean Nouvel, déterminé à faire valoir ses droits, saisit le Tribunal de grande instance de Paris afin d’imposer judiciairement des travaux de mise en conformité du bâtiment, dont certains aspects (parapets, foyers, façade, couverture des réflecteurs de la salle de concert etc.) dénaturent son œuvre, portant ainsi atteinte à ses droits d’auteur. Des demandes rejetées en avril 2015, faute de fournir assez d’éléments sur l’absence de conformité avec le projet originel. 

En septembre 2017, l’établissement public chargé de la gestion de la salle émet un titre exécutoire réclamant aux AJN 170,6 millions d’euros, dont 110 millions de pénalités de retard. Pour la Philharmonie, le dérapage financier du projet trouverait sa cause, d’une part, dans l’attitude de l’architecte notamment ses constantes demandes de modifications et, d’autre part, dans la sous-évaluation des coûts par l’architecte. Une somme que conteste le mis en cause.

Aucune conciliation n’étant envisageable entre les parties au litige, Jean Nouvel décide donc de contre-attaquer au pénal en octobre 2019. A l’époque, les avocats du plaignant jugent que la demande de la salle de concert relève de la « concussion », c’est-à-dire la malversation d’un agent ou d’un établissement public qui ordonne de percevoir ou perçoit sciemment des fonds par abus de l’autorité que lui donne sa charge. Ils dénoncent également des faits de « favoritisme » dans le choix de l’entreprise de BTP Bouygues, sélectionnée sans mise en concurrence effective et sans l’accord de l’architecte. Enfin, ils accusent la Philharmonie de « faux et usage de faux », pour la signature de 1200 ordres de service avec l’en-tête du cabinet d’architecture sans son aval, et de « recel de détournement de fonds publics » à propos de dérogations aux règles relatives aux marchés publics.

Une plainte à laquelle a fait droit le PNF lundi dernier. On attend maintenant les conclusions du juge d'instruction.
 

Thématiques

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque