MOSCOU / RUSSIE
Un récent décret encadrant drastiquement le street art entraîne de nombreux « nettoyages ».
La rentrée est synonyme de mise au pas dans les rues de Moscou. Les grandes protestations de l’été contre la fraude électorale ont laissé place à un défilé ininterrompu d’autobus et de camions de voirie. Car la mairie de Moscou s’attaque maintenant aux murs de la cité : toutes les oeuvres murales ne correspondant pas aux critères idéologiques et esthétiques du pouvoir sont impitoyablement effacés. Déjà quatre peintures murales ont disparu :
- Message de l’Australien Fintan Magee, réalisé en 2014
- Sans titre, de Nutk (Vladimir Goupalov) en 2012
- Dans la mer bleue, sur l’écume blanche, de Bic (Roustam Salemgaraev)
- Konstantin Stanislavsky (ZWS Crew) 2013
Dans tous ces cas, les murs ont été repeints très rapidement, sans consultation des riverains, ou des artistes concernés. Les « nettoyages » font suite à l’adoption en juillet dernier d’un oukase poétiquement baptisé 877-PP. Ce décret définit les thèmes autorisés (science, sport, art, événements historiques et personnalités) et les modalités de réalisation d’oeuvres d’art dans les rues de la capitale.
Il faut désormais aux artistes une autorisation expresse et préalable auprès de sept instances, dont la voirie de Moscou. Aucun autre thème que les cinq déjà cités ne sera examiné. La réalisation des travaux ne peut se faire qu’entre les mois d’avril et de novembre. Et la mairie réserve à une commission spéciale le droit d’effacer tout graffiti déjà réalisé, aux frais de l’artiste, même s’il a déjà reçu un visa. Un tel arsenal réglementaire est, on s’en doute, incompatible avec la manière de travailler des artistes de rue.
Après l’adoption de l’oukase 877-PP, des employés de la mairie ont révélé à la presse russe qu’environ 100 oeuvres de rue seront effacées. Jusque-là, aucun règlement ne définissait le travail des artistes de rue. Les autorités y ont pourtant recours depuis cinq ans, principalement pour glorifier l’histoire russe (la victoire dans la Seconde Guerre mondiale ou la conquête du cosmos) et l’annexion de la Crimée en 2014. Il y aurait aujourd’hui plus de 750 peintures murales dans la capitale russe.
À Ekaterinbourg (Sibérie) aussi, le street art a des difficultés avec les autorités. Une gigantesque croix « suprématiste » (en hommage à Casimir Malevitch) réalisée par le très populaire Pokras Lampas (1991) a été recouverte « par erreur » de goudron immédiatement après son inauguration, par la voirie locale. Mais lorsque Pokras Lampas a proposé de restaurer son oeuvre de 6 700 m², des activistes ultra-orthodoxes, outrés qu’une croix soit peinte en noir, ont menacé de « noyer toute la place dans le sang des impies ». Si bien que l’artiste russe a fini par accepter que son œuvre ne représente plus une croix, mais un « objet neutre » rappelant vaguement l’original par les couleurs rouges et noires. Un recul qui ne garantit nullement que l’œuvre soit pérennisée.
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Les autorités russes font la chasse au street art
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