Déposé à l’extérieur, à l’entrée du bâtiment gris béton, un « II » taquin et rouge vif signé François Morellet. La sculpture géométrique donne le « la » de l’univers sec et vagabond dans lequel s’apprête à entrer l’heureux visiteur du Silo.
Trente ans que Françoise et Jean-Philippe Billarant accompagnent attentivement une famille de souche conceptuelle et minimaliste. Trente ans qu’ils construisent avec précaution un ensemble fidèle, adossé aux liens qu’ils ont tissés avec les artistes au moins autant qu’à leur passion pour l’art.
Des œuvres de Buren, Toroni, Serra, Weiner, etc.
Longtemps voyageuse, la collection a finalement trouvé son port d’attache à Marines, dans un bâtiment agricole à une cinquantaine de kilomètres de Paris. De l’ancien silo à grains restent l’autorité structurelle, la découpe radicale des volumes, la sévérité abrupte et l’effet couloir de l’espace de stockage. Ni geste architectural, ni embellissement, insiste Xavier Prédine-Hug. Pour sa première grande réalisation, le jeune architecte a choisi d’interpréter le bâtiment plutôt que de le confisquer. Résultat : une « cathédrale de béton » impeccable d’élégance. Soit une nef lumineuse distribuant des grandes cimaises et supports bruts, et un seul étage, coiffé par le studio des Billarant, que Buren s’est chargé de tapisser de bandes rouges.
« Porter » les œuvres plutôt que les « abriter », précise l’architecte pour élucider son projet. Difficile de trouver meilleur portant pour l’exposition inaugurale. Michel Verjux, Daniel Buren, Claude Rutault, Cécile Bart : ça flotte, ça se mesure, ça se suspend, ça découpe, ça biaise, ça s’enracine en toute fluidité. Sous la nef, Niele Toroni contrarie la longue et étroite trouée vitrée de la façade arrière par des empreintes de pinceau disposées en triangle, Morellet place ses tubes de néon du sol à la cimaise et Felice Varini fait courir une anamorphose toute de couleurs primaires dans les escaliers. Et en guise de préambule, une entrée indicielle, entre pièce historique et présent : deux plaques de Richard Serra encastrées dans le mur et le Solarium (2006) suspendu de Véronique Joumard, un plafond-lumière alignant cent ampoules à réflecteur sur un châssis d’aluminium, qui dessine un carré lumineux au sol. Rien à cacher : câbles, douilles, ampoules, lumière, froideur technique de la structure et chaleur physique de l’éclairage. Quant à l’accrochage, limpide et resserré, il retourne à chaque artiste à plusieurs reprises, comme pour rappeler ce qu’ici collectionner veut dire.
Bonus : au fronton, à l’entrée du temple de béton, Lawrence Weiner a inscrit : « Two stones tossed into the wind (causing sparks). » Qui pourrait se traduire par : « Deux pierres lancées dans le vent (qui produisent des étincelles). » Ainsi en va-t-il des mots, dirait le poète. Et sans doute un peu aussi de Françoise et Jean-Philippe Billarant.
Le Silo, route de Bréançon, Marines (95). Visite sur rendez-vous, tél. 01 42 25 22 64.
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Le Silo, un projet « lancé dans le vent »
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°639 du 1 octobre 2011, avec le titre suivant : Le Silo, un projet « lancé dans le vent »