Pointant l’inadaptation des horaires d’ouverture des 7 700 bibliothèques, Erik Orsenna ne chiffre pas le coût global de leur élargissement et encore moins les aides de l’État pour y parvenir.
« Proposer des moyens, y compris financiers, de renforcer la dynamique d’élargissement des horaires d’ouverture [des bibliothèques]. » La lettre de mission de Françoise Nyssen à Erik Orsenna, « ambassadeur de bonne volonté auprès des collectivités territoriales et des parties prenantes » était tout aussi précise que difficile à exécuter sur la partie financement. Aidé de Noël Corbin, inspecteur général des Affaires culturelles, l’académicien a fait plus ou moins l’impasse sur les aspects financiers pour établir surtout un état des lieux général et en tirer des propositions périphériques.
L’auteur de L’exposition coloniale retire d’abord de son tour de France un constat : les 16 500 « points de lectures » et les 7 700 « vraies » bibliothèques, ne sont plus seulement des lieux de lecture ou de prêts de livres, mais aussi des « lieux de vivre », dont il convient de renforcer la dimension sociale pour combattre l’illettrisme, faciliter l’accès aux handicapés ou former au numérique.
Raison de plus, donc, pour mieux tirer parti de ces équipements. Et là le constat n’est pas glorieux. Outre quelques zones sans bibliothèque (Les Ardennes, la Dordogne...) les horaires d’ouverture sont trop limités. Tout le monde en a fait l’expérience, y compris Emmanuel Macron, qui relevait dans ses documents de campagne pour la présidentielle que l’amplitude horaire dans les grandes villes françaises est de 41 heures contre 98 heures à Copenhague. Le rapport Orsenna relève que la situation est encore pire pour les villes entre 20 000 et 100 000 habitants : 20 heures par semaine. Au passage, il égratigne les bibliothèques municipales parisiennes, tout en bas du classement des capitales occidentales tout en saluant les 54 heures d’ouverture de la médiathèque Oscar Niemeyer du Havre, la ville du Premier ministre.
Erik Orsenna vise un objectif de 50 heures pour les villes de plus de 100 000 habitants et de 45 heures pour les villes moyennes. Mais il s’agit de moyennes et il convient d’établir une cartographie exacte des horaires afin de fixer des objectifs au cas par cas en fonction du rythme de vie des habitants. Ce pragmatisme, qui rompt avec les grands plans quinquennaux monolithiques comme on les aimait en France à une certaine époque, est habile, car il évite de chiffrer les ressources financières supplémentaires à mobiliser pour élargir uniformément les horaires. Comme il s’agit essentiellement de moyens humains, le rapport donne quelques ordres de grandeur de la situation actuelle. Les 38 000 agents qui assurent aujourd’hui l’ouverture des bibliothèques représentent un coût de 1,2 milliard d’euros. Ici Orsenna marche sur des œufs. Comment inciter les villes à dépenser plus pour leurs bibliothèques alors que l’État rabote leurs subventions et va diminuer les rentrées fiscales de la taxe d’habitation ? Ce ne sont pas les 8 millions d’euros de la Dotation générale de décentralisation, qui soutiennent les communes pendant trois à cinq ans dans le financement des postes supplémentaires qui vont résoudre l’équation.
Outre plusieurs propositions plus générales sur la modernisation des bibliothèques, s’agissant du problème des horaires, le rapport relève quelques pistes sans trop les développer : un recours plus important aux étudiants, l’encadrement des bénévoles dont on apprend qu’ils seraient 80 000, la mutualisation entre bibliothèques d’une même intercommunalité. Prochaine étape, un « débat national » organisé par le ministère au printemps 2018.
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Le rapport Orsenna sur les bibliothèques contourne le problème des horaires
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°496 du 2 mars 2018, avec le titre suivant : Le rapport Orsenna sur les bibliothÈques contourne le problÈme des horaires