PARIS
Au terme de huit mois d’activité, le centre d’art contemporain affiche un bilan 2012 rassurant pour son président Jean de Loisy. Les fonds nécessaires ont été réunis, notamment grâce à de multiples privatisations des espaces. Il peut d’ores et déjà compter sur la reconduction de la subvention publique.
PARIS - Le Palais de Tokyo nouvelle formule est un ovni dans le paysage des institutions culturelles françaises. Non seulement le centre d’art contemporain est une société commerciale de droit privée, mais il doit trouver près de la moitié de ses ressources par ses propres moyens. C’est un pari risqué que son président, Jean de Loisy, a accepté de relever en juin 2011, non sans réticences. Aujourd’hui, les résultats du premier exercice, rapportés à huit mois, depuis le 11 avril 2012 jusqu’à fin décembre, lui donnent un peu confiance. En ajoutant les 5,5 millions d’euros de recettes commerciales aux 6,5 millions que lui a versés le ministère de la Culture, il a réussi à boucler son budget de 12 millions d’euros.
Viennent en tête les recettes de mécénat, avec 1,7 million d’euros en cash plus 600 000 euros en apports en industrie (signalétique, mobilier…). La bonne surprise réside dans la privatisation des lieux, qui a rapporté près de 1,6 million d’euros. La place ne manque pas au Palais, et il n’a pas été difficile de réserver à cette fonction deux espaces de 600 m2 et 800 m² sur ses 22 000 m². Autres atouts, l’image flatteuse de l’art contemporain et la localisation dans un quartier chic. Résultat, les expositions privées, telles celle de la maison de mode Chloé à l’automne dernier, alternent sans interruption avec les soirées cocktails et les lancements de produit. Microsoft y a lancé son nouveau Windows 8 en octobre 2012. « Nous essayons de limiter ce type d’opérations car leur cohabitation avec les expositions est parfois délicate », reconnaît toutefois Julie Narbey, la directrice générale des lieux, jeune énarque de 34 ans passée par le Quai Branly et le cabinet de Frédéric Mitterrand où elle avait en charge les questions budgétaires. C’est d’ailleurs grâce à sa connaissance des circuits ministériels que les recettes tirées des concessions (plus d’un million d’euros) ont pu être augmentées. Elle a ainsi pu récupérer auprès de France Domaine les redevances de Climespace, une filiale de GDF Suez produisant du froid, qui occupe plusieurs milliers de mètres carrés du Palais en bordure de Seine.
150 000 visiteurs payants
La grande inconnue du budget reste chaque année les entrées payantes. Jean de Loisy vise 500 000 visiteurs pour 2013, parmi lesquels les chalands qui se rendent à la librairie ou au restaurant sans visiter d’exposition. En 2012, les vigiles situés à l’entrée ont cliqué 407 000 fois sur leur petit compteur, dont plus d’une fois sur trois pour ces « hors douane » comme ils sont appelés joliment. Et parmi les 265 000 visiteurs des expositions, près de 150 000 ont acheté un billet, générant une recette totale de 1,1 million d’euros.
Le budget 2013 semble à peu près sur les rails et le centre va pouvoir monter sa programmation sans craindre de devoir annuler des expositions à la dernière minute. Premier pilier, la subvention publique a été reconduite. « Les négociations ont été difficiles, il a fallu insister et convaincre », admet cependant Jean de Loisy. Côté mécénat, « les prévisions pour 2013 sont identiques à 2012, ce qui est déjà ambitieux car l’effet ouverture jouera un peu moins », précise Julie Narbey, qui peut compter sur des recettes de privatisation en hausse (entre 1,7 et 2 million[s] d’euros) et des redevances qui devraient elles aussi augmenter avec l’ouverture très prochaine d’un deuxième restaurant. Enfin les recettes de la billetterie ont été fixées à un niveau inférieur à 2012 (1,3 million d’euros). Il faudrait pourtant attirer un peu plus de visiteurs pour atténuer cette sensation de solitude hors vernissage. Sécurisé sur son flanc budgétaire, Jean de Loisy peut ainsi récuser plus sereinement toute tentative de grignotage du plus grand centre d’Europe, comme l’y appelait, notamment Yves Aupetitallot [directeur du Magasin-Centre national d’art contemporain à Grenoble], dans nos colonnes (lire le JdA no 381, 14 déc. 2012]. « Je ne souhaite pas que l’on fragmente un lieu conçu comme un tout », affirme-t-il. Il peut aussi se consacrer pleinement à la programmation. « Je préfère pour l’instant piloter en direct la programmation pour bien fixer le cap, mais il n’est pas exclu qu’à terme il y ait un directeur ad hoc », précise-t-il.
Reste une menace. En apportant la preuve de sa capacité à trouver par ses propres moyens 6 millions d’euros, le Palais de Tokyo ne va-t-il pas inciter sa tutelle à baisser sa subvention après 2013 ? D’autant que les marges de manœuvre ne sont pas importantes. « Nous avons un des plus bas coûts au mètre carré de la place », pointe sa directrice. Aussi, sous ses airs de faux bohème, Jean de Loisy continue-t-il à tisser son réseau. Parmi de possibles appuis au moment des négociations budgétaires, figurent ainsi le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, qui a présenté ses vœux au Palais, et l’économiste et essayiste Jacques Attali, commissaire d’une exposition en ces lieux en 2014.
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Le bilan 2012 du Palais de Tokyo rassure son président
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Abonnez-vous dès 1 €Vue du Palais de Tokyo, 2012. © Photo : Florent Michel/11h45
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°385 du 15 février 2013, avec le titre suivant : Le bilan 2012 du Palais de Tokyo rassure son président